Beaucoup d'incidents au niveau local
Les progrès au Canada contre les agressions dans les sports ont été lents en 2024
Par La Presse Canadienne
Des mesures ont été prises en 2024 pour rendre les sports canadiens plus sûrs, mais en bout de ligne, vers quoi mèneront-elles?
Une commission nationale a entamé des consultations publiques à travers le pays, un registre en ligne des personnes sanctionnées ou faisant l'objet d'une enquête pour mauvais traitements dans le sport a été mis en ligne et un changement radical dans le traitement des plaintes futures a été annoncé.
Des observateurs estiment que le Canada est encore loin du changement de culture nécessaire pour débarrasser le sport de ses comportements toxiques.
«Les progrès sont assurément lents et cahoteux», a affirmé Erin Willson, nageuse artistique olympique et ancienne présidente d'AthletesCan, qui offre une voix unifiée pour les athlètes des équipes nationales.
«La grande question que je me pose, probablement depuis sept ou huit ans, est de savoir comment changer la culture du sport. Tout se résume aux valeurs du sport, à ce que nous valorisons et à ce que nous louons. Je crois vraiment que tout part de là. C'est bien beau de se dire qu'il faut mieux traiter les gens, mais quand la seule chose que nous célébrons est la victoire (...) nous ne pourrons jamais changer ».
Bruce Kidd, professeur émérite de sport et de politique publique à l'université de Toronto, attribue au Canada une note moyenne en matière de sécurité sportive pour 2024.
«Nous sommes dans la zone C-plus», a évalué Kidd, un ancien coureur qui a représenté le Canada aux Jeux olympiques de 1964.
«Il existe un code de conduite universel pour prévenir et éliminer les mauvais traitements et les abus, le CCUMS (le Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport). Il y a encore beaucoup, beaucoup, beaucoup trop de gens qui ne le savent pas.»
La directrice d'Athletes Empowered, Amelia Cline, une avocate et une ancienne gymnaste d'élite, estime qu'au-delà d'une prise de conscience accrue de l'existence d'un problème à régler dans le sport, elle n'a vu que des progrès minimes en 2024.
«Il y a encore beaucoup de gens dans le système qui soit ferment les yeux sur ce qui se passe, soit le favorisent en exerçant des représailles contre les personnes qui se manifestent et en les décourageant de le faire, a déclaré Cline. Si l'on permet à ces personnes de rester dans le système en toute impunité, il n'y aura pas de changement.
«On a toujours des gens dans le système qui subissent des abus, et qui sont terrifiées à l'idée de se manifester, même avec toutes ces politiques, tous ces processus et toute la sensibilisation du public à ces questions, ce qui signifie que le changement n'est pas vraiment en train de s'opérer, n'est-ce pas ? C'est comme uniquement en surface. Ça n'atteint pas l'objectif à atteindre. Malheureusement, nous sommes encore dans cet espace.»
Après les gros titres explosifs de 2022 et 2023, lorsque des athlètes ont fait des témoignages déchirants devant des commissions parlementaires au sujet d'abus sexuels, physiques et verbaux, et que Hockey Canada a fait l'objet d'un examen minutieux pour sa gestion des allégations d'agression sexuelle contre des membres de l'équipe nationale junior masculine de 2018, 2024 a été une année de la remise en question.
En mars, le Bureau du Commissaire à l’intégrité dans le sport (BCIS) a rendu publique une base de données consultable sur les personnes sanctionnées ou dont l'admissibilité au sport a été restreinte.
En décembre, le registre répertoriait huit personnes sanctionnées et 18 personnes soumises à des restrictions provisoires.
«Le registre du BCIS ne couvre toujours que le niveau national», a souligné Cline, qui a parlé devant des commissions parlementaires des violences physiques et verbales qu'elle a subies de la part d'entraîneurs lorsqu'elle était une jeune athlète.
«Il y a beaucoup d'incidents au niveau local qui se produisent sans que personne ne le sache. Dans le cadre de notre travail, [nous avons constaté que] certaines personnes ne savaient pas que leur propre entraîneur dans leur club avait fait l'objet d'une enquête parce que l'affaire a été balayée sous le tapis.
«La poursuite du développement du registre sera très importante.»
La Commission sur l'avenir du sport au Canada, annoncée en décembre 2023 par Carla Qualtrough, alors ministre des sports, a entamé des consultations publiques à Toronto en octobre et les achèvera le 31 janvier à Victoria.
Le mandat de la commission est de formuler des recommandations en 2025 pour rendre le sport plus sûr et améliorer les systèmes à travers des éléments tels que la culture, la politique, le financement, la gouvernance, les rapports et la responsabilité.
«La mise en place de la Commission pour l'avenir du sport a été une bonne chose, même si elle a progressé lentement », a déclaré M. Kidd.
Willson a qualifié la commission de «pas en avant».
«Elle donne à de nombreux athlètes le pouvoir de partager et de parler de leurs expériences d'une manière très réfléchie», a-t-elle déclaré.
Toutefois, la volonté politique de mettre en œuvre les recommandations de la commission n'est pas claire, après l'annonce par Qualtrough qu'elle ne se représentera pas et la nomination de Terry Duguid comme prochain ministre des sports vendredi.
Le portefeuille des sports a connu six changements de direction en un peu plus de sept ans, depuis le premier mandat de Qualtrough à titre de ministre, de 2015 à 2017.
«Le sport doit avoir un statut au sein du cabinet qui soit à la hauteur des énormes défis à relever», a déclaré Kidd.
Qualtrough a également annoncé que trois ans après sa création, le BCIS passera en 2025 sous l'égide du Centre canadien pour l'éthique dans le sport, qui administre les contrôles antidopage au Canada conformément au code de l'Agence mondiale antidopage.
La ministre a déclaré dans une interview au début de l'année que le CCÉS était en mesure de rationaliser le processus de plainte et de sanction et, comme le conseil d'administration du CCÉS n'est pas nommé par le gouvernement, le transfert peut satisfaire ceux qui estimaient que l'organisme de plainte devait être plus indépendant.
«Au fil d'un an et demi, ou deux, il est devenu évident qu'il y aurait une meilleure façon de fournir ces fonctions, ces services, des choses comme la ligne de signalement des athlètes, l'enquête, la sanction ... les choses que fait le BCIS, qui pourrait peut-être répondre aux défis perçus et réels auxquels ces fonctions étaient confrontées dans cette organisation», a mentionné Qualtrough.
«Le CCÉS dispose d'une structure existante pour son programme antidopage. Il dispose d'une infrastructure organisationnelle établie (...) sur laquelle il peut s'appuyer pour s'acquitter de ces responsabilités.»
Willson s'inquiète de la lassitude à l'égard de la sécurité dans le sport, car «tout le monde en a un peu fini avec cette question, ou du moins c'est ce que l'on ressent».
«Il y a encore beaucoup de problèmes qui doivent être résolus», a-t-elle déclaré.
Donna Spencer, La Presse Canadienne
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