Projet de loi 19
Pas vraiment plus d'accidents chez les jeunes, disent les restaurateurs
Par La Presse Canadienne
Le secteur de la restauration ne connaît pas une hausse significative des accidents de travail, même s'il embauche depuis quelques années plus d'enfants, fait valoir l'Association restauration Québec (ARQ).
L'association qui représente quelque 5000 restaurants à travers le Québec plaide que le projet de loi du ministre du Travail, Jean Boulet, est mal avisé, puisqu'il retirerait des cuisines de «bons travailleurs».
S'il est adopté, le projet de loi 19 fixera à 14 ans l'âge minimal pour travailler au Québec, et interdira aux jeunes de 14 à 16 ans de travailler plus de 17 heures par semaine, dont 10 heures du lundi au vendredi.
Au moment de présenter son projet de loi à l'Assemblée nationale le 28 mars dernier, M. Boulet avait déclaré vouloir favoriser la persévérance scolaire et protéger la santé et la sécurité des enfants.
Il avait notamment évoqué une augmentation de 540 % des accidents de travail chez les jeunes de 14 ans et moins, et de 61 % pour l'ensemble des jeunes de 16 ans et moins, entre 2017 et 2021.
Or, si l'on regarde les chiffres pour la restauration, «il n'est pas nécessairement vrai» qu'on assiste à une hausse des accidents, selon le vice-président aux affaires publiques et gouvernementales de l'ARQ, Martin Vézina.
«On n'a pas constaté une augmentation aussi forte des lésions professionnelles», affirme en entrevue M. Vézina, qui se réfère aux chiffres qui lui ont été fournis par la mutuelle de prévention des restaurants.
Selon ces données, le nombre d'accidents chez les 0 à 16 ans est passé de 4 en 2016, à 15 en 2017, à 13 en 2018, à 16 en 2019, à 9 en 2020, à 20 en 2021 à 11 en 2022.
«Quand on regarde les chiffres, on ne voit pas nécessairement une augmentation du nombre d'accidents entre 2019 et 2022, ce qui aurait dû arriver vu le plus grand nombre de travailleurs de ce bassin-là», souligne M. Vézina.
«Donc, il n'est pas nécessairement vrai que c'est l'industrie, selon nos chiffres, qui a eu une recrudescence des accidents de travail. Peut-être dans un autre secteur, je ne peux dire.
«Il existe des risques en restauration, on ne le nie pas, cependant je vous dirais que l'industrie (...) fait de très gros efforts en prévention. (...) La fréquence et la gravité des accidents sont en déclin dans notre secteur», a-t-il ajouté.
Exceptions réclamées
L'association de restaurateurs est contre l'imposition d'un âge minimal «ferme» pour travailler et réclame des exceptions, à tout le moins pour certains postes comme les plongeurs et les commis débarrasseurs.
Il y a déjà quelques exceptions dans le projet de loi (gardiennage, aide aux devoirs, colonies de vacances, petite entreprise familiale, etc.), mais elles ne satisfont pas l'ARQ, qui souhaite plus d'assouplissements.
Celle-ci précise cependant être en faveur de la mesure visant à limiter le nombre d'heures pouvant être travaillées dans une semaine, afin que les jeunes «se consacrent à leurs études».
Le tiers des répondants à un sondage interne de l'ARQ ont confirmé employer des jeunes de moins de 14 ans. Si le projet de loi est adopté, ils auront 30 jours pour briser ces liens d'emploi.
«C'est sûr qu'il va y avoir un impact, soutient M. Vézina. (Les moins de 14 ans) ne travaillent pas énormément d'heures, mais (...) le peu qu'ils donnent, ça permet (...) d'avoir un minimal adéquat pour faire un quart de travail.
«Ce qu'on entend des exploitants, c'est: "Bon, j'ai une personne de moins à la plonge, (...) peut-être que je ne serai pas capable d'offrir un service adéquat à la clientèle, puis on va peut-être réduire nos heures en conséquence".»
Cet «impact» n'a pas été chiffré. «Il n'y a pas de restaurants qui vont fermer à cause du projet de loi, on n'en est pas là», nuance le vice-président de l'ARQ, selon qui les moins de 14 ans jouent un rôle important d'«appoint».
Pour les établissements saisonniers, toutefois, le recrutement sera difficile, prévient-il. «Un jeune de 13 ans et huit mois qui voudrait travailler (...) pour l'été seulement ne le pourra pas, parce que c'est 14 ans ferme.»
M. Vézina reconnaît que le projet de loi découle d'un consensus du Comité consultatif du travail et de la main-d’œuvre, qui regroupe des associations syndicales et patronales.
Mais il rappelle que le Conseil du patronat a demandé de «porter attention aux inquiétudes exprimées par des secteurs d'activités comme la restauration, le commerce de détail et le tourisme».
Les consultations particulières sur le projet de loi 19 — qui s'étaleront sur trois jours — débuteront mardi prochain à l'Assemblée nationale.
Caroline Plante, La Presse Canadienne
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