Une municipalité impose une taxe sur les cours dépourvues d'arbres


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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTREAL — À Saint-Amable, c'est planter ou payer. Depuis cette année, la municipalité, située à 30 kilomètres au nord-est de Montréal, impose une taxe annuelle de 200 $ aux résidents qui n'ont pas d'arbre feuillu devant leur maison, dans le but de réduire les îlots de chaleur et d'améliorer la biodiversité.
Une experte en politiques publiques affirme que l'utilisation des taxes pour inciter les gens à adopter un comportement plus écologique est une solution judicieuse pour relever les défis environnementaux, même si l'approche de la municipalité n'est pas partagée par tous.
Jean-Sébastien Ménard, directeur général de Saint-Amable, indique que la règle exigeant un arbre devant chaque maison était en vigueur depuis des années.
Les autorités ont cependant été incitées à la mettre en œuvre après avoir pris connaissance des résultats d'un récent projet de cartographie de l'Université Laval, qui a révélé que la municipalité était «fortement exposée» aux vagues de chaleur, en partie à cause des îlots de chaleur — des bâtiments et des plaques de béton ou d'asphalte qui font monter la température plus haut que dans les zones environnantes.
Selon lui, il est dans l'intérêt de la population de réduire la température ambiante à Saint-Amable.
Il explique que la municipalité d'environ 13 500 habitants s'est rapidement développée au cours des 20 dernières années, ce qui a entraîné une perte d'arbres. Sans l'effet rafraîchissant de la verdure, les îlots de chaleur peuvent aggraver l'impact des fortes chaleurs estivales.
M. Ménard indique que la municipalité avait fait appel à une entreprise de cartographie mobile, Jakarto, pour examiner les pelouses et a constaté qu'environ 1200 des 3000 verges manquaient d'arbres. Des avis ont été envoyés et la Ville a organisé deux ventes d'arbres à prix réduit, ce qui a incité la plupart des résidents à se conformer à la loi.
Environ 400 foyers ont été pénalisés de 200 $ lors de l'émission des avis de taxes cette année, précise-t-il.
Fanny Tremblay-Racicot, professeure d'administration municipale à l'École nationale d'administration publique, estime que l'initiative de Saint-Amable est un exemple d'«écofiscalité», un ensemble d'outils de politique publique visant à encourager les citoyens à adopter des comportements écologiques ou à payer.
Saint-Amable est la première municipalité qu'elle connaisse à taxer les terrains sans arbres, mais elle souligne que de nombreuses autres villes ont adopté des mesures similaires, comme l'imposition de frais de stationnement ou la facturation aux promoteurs pour chaque arbre abattu. Selon elle, l'avantage des taxes est que leur application est moins bureaucratique que le processus traditionnel de contravention.
Elle ajoute que le choix de Saint-Amable d'inciter à la plantation d'arbres est intéressant, car il permet à la Ville d'atteindre plusieurs objectifs, notamment une meilleure rétention des eaux de pluie et la réduction des îlots de chaleur, en plus de faciliter la filtration de l'air.
Des résidents mitigés
Tous les habitants de Saint-Amable ne sont cependant pas convaincus que la Ville s'y prend de la bonne manière.
Sara-Kim Orobello, propriétaire de deux résidences, indique avoir acheté des arbres à la municipalité et les avoir plantés. Cependant, lorsque son avis de taxe est arrivé, elle a dû payer 200 $ pour une maison, la Ville ayant indiqué ne pas avoir reçu le formulaire qu'elle devait soumettre. Elle précise qu'une société de location pour laquelle elle travaille a également perçu la taxe pour certaines propriétés, malgré la plantation des arbres. Dans ces cas, elle admet toutefois que les formulaires n'ont pas été soumis.
Elle mentionne n'avoir pas réussi à faire annuler la taxe, malgré les reçus de la Ville prouvant qu'elle avait acheté un arbre.
Si elle comprend la nécessité de mesures écologiques et environnementales, elle estime que les citoyens de bonne foi n'étaient pas écoutés.
Simon Lacoste, résident et ancien maire de Saint-Amable, estime que l'approche de la Ville est «injuste et abusive». Il raconte avoir entendu plusieurs résidents qui ont été taxés malgré la présence d'arbres, tandis que d'autres pensaient s'être conformés à la loi, mais se sont faits dire que leurs arbres ne comptaient pas, car ils étaient considérés comme des arbustes.
Il juge que la Ville aurait pu atteindre son objectif en collaborant avec les citoyens plutôt qu'en jouant la «police des arbres».
Environ la moitié de la cinquantaine de personnes qui ont contesté la taxe a réussi à la faire annuler, souvent parce que leur arbre n'a pas été détecté par le logiciel qui a examiné les terrains, souligne Jean-Sébastien Ménard.
Même si un petit groupe de citoyens pourrait être mécontent, la plupart adhèrent aux ambitions environnementales de la Ville, qui comprennent le doublement de la canopée forestière et la plantation de plus de 12 000 arbres sur les terres publiques au cours des prochaines années, ajoute-t-il.
Morgan Lowrie, La Presse Canadienne