Une chercheuse étudie le cytomégalovirus chez les éducatrices de la petite enfance
Temps de lecture :
3 minutes
Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Un virus particulièrement dangereux pour les populations vulnérables comme les nouveau-nés ou les personnes immunodéprimées, mais pourtant très mal connu du public, fait l'objet d'une nouvelle étude de la part d'une chercheuse montréalaise.
Le cytomégalovirus, ou CMV, est notamment la cause la plus fréquente d'infection congénitale et une cause importante de perte auditive neurosensorielle et de handicap intellectuel chez les enfants dans le monde entier.
Les enfants étant souvent porteurs du virus, la nouvelle étude portera spécifiquement sur les éducatrices de la petite enfance qui sont plus à risque d'attraper le CMV en raison d’une exposition professionnelle.
«Si la femme attrape ce virus pendant sa grossesse, et surtout si elle l'attrape en début de grossesse, au premier trimestre, ça peut être associé à des atteintes neurodéveloppementales qui peuvent être sévères et à de la surdité, a expliqué la responsable de l'étude, la docteure Isabelle Boucoiran, qui est gynécologue-obstétricienne et clinicienne-chercheuse au CHU Sainte-Justine.
«Mais on le diagnostique souvent après la grossesse, et donc quand c'est trop tard pour (la prévention). Le but de mon programme de recherche, c'est d'essayer de faire des choses avant que les femmes ne tombent enceintes ou au début de la grossesse pour essayer de prévenir cette transmission et ces atteintes chez le bébé.»
Et puisque le diagnostic survient habituellement après la grossesse, ajoute-t-elle, on découvre souvent la présence du CMV en constatant les séquelles pour le bébé, même si la mère n'a jamais présenté de symptômes.
Les enfants atteints du CMV présentent souvent des symptômes banals comme de la fièvre et peuvent même être asymptomatiques. On estime qu'environ la moitié de la population générale a déjà été exposée au CMV, parfois sans jamais le savoir en raison de la modestie des symptômes.
Les enfants ne sont donc pas nécessairement retirés du milieu de garde pour cause de maladie, avec le risque que cela pose pour les éducatrices enceintes ou souhaitant le devenir. Puisque les enfants sécrètent souvent le virus dans leur salive, les éducatrices pourront y être exposées en manipulant des jouets ou en faisant des câlins aux enfants, par exemple.
Environ les deux tiers des personnes employées en garderie sont des femmes en âge de procréer. La sensibilisation et la prévention revêtent donc une très grande importance, a dit la docteure Boucoiran.
«Les éducatrices en garderie sont retirées du travail dès qu'on sait qu'elles sont enceintes, a-t-elle rappelé. Mais encore faut-il savoir qu'elles sont enceintes. Et il peut y avoir une exposition (au CMV) avant qu'on ne le découvre.»
Le retrait préventif ne s'applique pas non plus aux éducatrices en milieu familial, a rappelé la chercheuse.
La docteure Boucoiran et son équipe souhaitent recruter ―·dans les régions de Montréal, Québec et Sherbrooke ― 533 éducatrices de la petite enfance âgées de 18 à 45 ans et un groupe témoin de 1659 femmes qui ne sont pas exposées professionnellement aux jeunes enfants.
Les chercheurs veulent savoir à quel point les éducatrices sont infectées par le CMV, mais aussi prendre la mesure des taux de réinfection. «Une particularité de ce virus est qu'il y a plusieurs souches et on peut donc l'attraper plusieurs fois, mais on a très peu de données sur les réinfections», a dit la docteure Boucoiran.
Le projet de recherche s'intéressera aussi aux mesures de protection qui sont mises en place dans les milieux de garde pour voir si certaines semblent plus efficaces que d'autres, afin d'identifier les «bonnes pratiques» qui pourraient être déployées dans tous les milieux.
«Que ça soit la première infection ou une réinfection, les deux peuvent mener à une transmission au bébé pendant la grossesse», a prévenu la docteure Boucoiran en conclusion.
---------
Sur internet:
https://www.eduqcmv.ca/
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne