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Un survivant d'Auschwitz inquiété par le geste de Musk lors de l'investiture de Trump

durée 17h51
24 janvier 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — Un survivant de la Shoah âgé de 95 ans a dit vendredi qu'il était effrayant de voir des choses qu'il n'aurait jamais pensé revoir, comme un homme puissant comme Elon Musk utilisant un «salut allemand».

David Moscovic, qui vit à Ottawa, faisait référence au magnat de la technologie faisant un geste de bras tendu semblable à un salut nazi alors qu'il s'adressait à la foule rassemblée pour l'investiture du président américain Donald Trump, lundi.

M. Musk a assuré que le geste était destiné à faire comprendre à la foule que son cœur «est avec eux».

«Je n'aurais jamais pensé voir cela se produire, et c'est triste parce que (M. Musk) a beaucoup de pouvoir. Il a beaucoup d'influence sur le président des États-Unis, a déploré M. Moscovic lors d'une entrevue. Je n’aurais jamais pensé que cela arriverait de mon vivant, et c’est le cas. Ce qui se passe en ce moment aux États-Unis est effrayant.»

David Moscovic a également fustigé Donald Trump pour avoir gracié plus de 1500 manifestants du 6 janvier 2021 – y compris des personnes accusées d’avoir agressé des policiers – et pour avoir déclaré que le Canada devrait devenir le 51e État américain.

«(Donald Trump) ne s’adresse pas à son gouvernement pour prendre des décisions. Il prend les décisions en tant qu’individu. C’est effrayant, c’est une dictature. Le fait est qu’il a dit à tout le monde avant les élections ce qu’il allait faire et ils ont quand même voté pour lui», a fait remarquer M. Moscovic.

L’Anti-Defamation League, une organisation de défense des droits des juifs américains, a déclaré lundi qu'Elon Musk semblait avoir fait un «geste maladroit» et non un salut nazi.

Jeudi, en réponse à la controverse, M. Musk a publié une série de calembours nazis sur X, la plateforme de médias sociaux dont il est propriétaire.

Le directeur de l'Anti-Defamation League, Jonathan Greenblatt, a condamné ces publications, affirmant que la Shoah était un «événement singulièrement funeste» et «pas une blague».

Seul survivant de sa famille

David Moscovic a rejoint d'autres intervenants à Ottawa vendredi, lors d'un événement marquant le 80e anniversaire de la libération d'Auschwitz-Birkenau, l'un des camps de la mort nazis les plus tristement célèbres, le 27 janvier.

Le survivant avait 14 ans lorsqu'il a été emmené à Auschwitz avec sa mère, son père et son frère. Il est le seul de la famille à avoir survécu.

Dans un discours prononcé lors de l'événement commémoratif, il a décrit son envoi à Auschwitz depuis son village natal de Konus, qui fait maintenant partie de la Slovaquie.

M. Moscovic a déclaré qu'après son arrivée au camp de la mort, il a vu des piles de chaussures et de vêtements et des personnes placées en deux files. Lui, son père et son frère ont été placés sur une file, alors que sa mère a été obligée de rejoindre une autre.

Les personnes dans la file qu'il a suivie ont été emmenées dans les baraquements du camp et mises au travail. Le garçon de 14 ans qu'il était a travaillé comme maçon, réparant les bâtiments du camp endommagés par les bombes alliées.

Ceux qui étaient dans l'autre file ont été envoyés à la chambre à gaz.

David Moscovic a raconté son histoire d'un ton calme et pragmatique. Il a cependant été ému aux larmes lorsque sa petite-fille, Hannah Alberga, a prononcé un discours sur ce qu'elle avait appris de l'histoire de son grand-père.

Mme Alberga est journaliste spécialisée en santé pour La Presse Canadienne.

«Je n'aurais jamais cru qu'elle était capable de prononcer un discours aussi beau. C'est ce que fait l'éducation. Les gens apprennent des choses», s'est ému M. Moscovic.

Comment continuer à informer?

Les participants à une table ronde organisée lors de l'événement de vendredi ont parlé de la façon de continuer à partager des histoires comme celle de David Moscovic alors que le nombre de survivants vivants continue de diminuer.

Naomi Azrieli, dont la fondation a créé le programme Mémoires des survivants de la Shoah, a déclaré que les programmes scolaires sont essentiels, mais qu'ils ne peuvent pas être considérés comme le point final de l'éducation sur la Shoah.

Mme Azrieli a déclaré que ceux qui luttent contre l'antisémitisme et la désinformation sur la Shoah doivent repenser la manière dont ils contre-attaquent les mensonges en ligne.

«La meilleure façon de lutter (contre l'antisémitisme) est d'utiliser les mêmes outils. Certains des outils les plus efficaces que nous ayons vus sont en fait des influenceurs. Il y a des influenceurs survivants de l'Holocauste. Il y a des gens qui parlent de cette histoire d'une manière accessible, mais respectueuse», a-t-elle expliqué.

Elle a ajouté que, même si l'idée que les gens s'informent sur la Shoah à travers des vidéos TikTok la fait «grincer des dents», c'est un outil efficace lorsqu'il est associé à des liens vers des sources plus fiables.

Le sénateur québécois non affilié Marc Gold a déclaré qu'un manque de réglementation a permis aux algorithmes des réseaux sociaux de créer des chambres d'écho en ligne pour le déni de la Shoah.

«Faire les choses correctement, car je suis un défenseur de la liberté d'expression, est vraiment difficile. Mais c'est un élément essentiel si nous voulons progresser», a soutenu M. Gold.

Bien que David Moscovic ait déclaré être inquiet pour l'avenir, il jouit toujours d'une «belle» vie au Canada.

Il a raconté avoir bâti une entreprise de plomberie et de chauffage prospère, avoir été marié à sa première femme pendant plus de 51 ans, avoir retrouvé l'amour et être en bonne santé.

«J'aurais aimé que mes parents voient ce que j'ai fait dans ma vie. Cela aurait été mon plus grand plaisir», a-t-il confié.

David Baxter, La Presse Canadienne