Un projet de loi en N.-É. qui «menacerait l'indépendance de la VG»


Temps de lecture :
3 minutes
Par La Presse Canadienne, 2024
HALIFAX — Le projet de loi qui permettrait de renvoyer sans motif le vérificateur général de la Nouvelle-Écosse est décrit par un expert juridique, et la vérificatrice générale actuelle, comme une menace au rôle de «chien de garde» de ce bureau indépendant.
Dans un courriel envoyé mercredi, la vérificatrice générale, Kim Adair, écrit qu'elle n'a pas été consultée sur les modifications législatives proposées et qu'elle s'inquiétait de «l'indépendance du bureau» qui assure la surveillance des dépenses gouvernementales.
Un projet de loi déposé mardi permettrait de révoquer la personne qui dirige le Bureau du vérificateur général si les deux tiers de l'Assemblée législative sont d'accord. Dans l'état actuel des choses, un motif valable doit être démontré pour qu'un vérificateur général soit congédié par un vote des deux tiers. Les progressistes-conservateurs détiennent actuellement plus des trois quarts des 55 sièges à l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse.
Mme Adair écrit que «la pierre angulaire de la capacité du vérificateur général à faire ce travail est l'indépendance».
Le gouvernement du premier ministre Tim Houston a également proposé de modifier la Loi sur le vérificateur général afin d'établir un délai minimum de deux semaines pour que le VG soumette un rapport au gouvernement avant de le rendre public. De plus, le projet de loi donnerait au gouvernement le pouvoir de retenir les rapports du vérificateur général pour des raisons d'intérêt public, de sécurité publique ou de privilège juridique.
Sheila Wildeman, professeure à la faculté de droit Schulich de l'Université Dalhousie, estime que ce projet de loi «soumet le rôle (du vérificateur) aux vents changeants de la volonté politique».
En outre, créer un vague fondement «d'intérêt public» pour qu'un gouvernement décrète la confidentialité d'un rapport «menace de refuser l'accès du public aux conclusions et recommandations que le vérificateur général souhaitait rendre publiques», a soutenu mercredi la professeure Wildeman dans un courriel.
La VG est naturellement critique
Mme Adair a critiqué à plusieurs reprises les milliards de dollars dépensés par le gouvernement progressiste-conservateur en dehors du processus budgétaire. Elle a aussi souligné que la Nouvelle-Écosse était la seule province qui n'exigeait pas que les dépenses supplémentaires soient examinées par l'Assemblée législative.
Elle a déclaré la semaine dernière qu'elle ferait pression pour que des amendements à la loi des finances publiques soient apportés, exigeant que la législature vote chaque année sur les dépenses.
Mme Adair a souligné que les dépenses non contrôlées avaient totalisé 7 milliards $ au cours de la dernière décennie, et que les conservateurs avaient dépensé 1,38 milliard $ en 2023-2024 sans autorisation par un vote majoritaire en Chambre.
La professeure Wildeman n'est pas sûre que le plan du gouvernement pourra être contesté devant les tribunaux, même s'il présente des risques pour «l'intégrité de notre système démocratique de gouvernement».
La cheffe néo-démocrate, Claudia Chender, a demandé au premier ministre mercredi en Chambre pourquoi il voudrait «menacer le poste d'un agent indépendant de cette Assemblée législative dans un monde rempli de fausses nouvelles et de désinformation».
M. Houston a répondu que les changements visaient simplement à «aligner les choses sur la façon dont elles se déroulent dans tout le pays» et à «normaliser les choses».
Mais en date de mercredi, la Colombie-Britannique, la Saskatchewan, le Manitoba, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador ont tous besoin d'un motif avant de pouvoir congédier un vérificateur général.
«Ce genre d'action de la part d'un gouvernement est une menace pour un organisme de surveillance et constitue essentiellement un message pour qu'il reste dans le rang, sans quoi il pourra être congédié», estime Duff Conacher, cofondateur de l'organisme Démocratie en surveillance.
«On se rapproche de ce que fait Trump», a-t-il déclaré, en référence au président américain, qui a aboli des organismes de surveillance indépendants du gouvernement américain depuis son entrée en fonction.
Michael Tutton, La Presse Canadienne