Sondage: la moitié des PME pas prêtes pour les nouvelles règles sur le français


Temps de lecture :
4 minutes
Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Un bon nombre de PME québécoises ne sont pas encore prêtes face aux nouvelles obligations en matière de langue française, révèle un sondage de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI). Pour plusieurs, le manque de temps, les coûts importants et le fardeau administratif constituent des freins pouvant les empêcher d'adopter les changements avant la date butoir.
Le 1er juin prochain, de nouvelles dispositions de la loi 14 sur la langue officielle et commune du Québec entreront en vigueur pour les entreprises. Elles visent l’affichage commercial extérieur d’un local et les marques de commerce inscrites sur les produits.
Les petites entreprises de 25 à 49 employés sont aussi tenues de s’inscrire avant juin auprès de l’Office québécois de la langue française (OQLF) et d'entamer une démarche de francisation.
Selon le coup de sonde de la FCEI mené auprès de ses membres et publié dimanche, plus de la moitié des répondants (53 %) ont indiqué ne pas être prêts à l'entrée en vigueur des changements réglementaires, contre 43 % ayant répondu par la positive. Environ le tiers des participants ont par ailleurs affirmé ne pas être au courant de ces nouvelles exigences.
La FCEI assure s'activer depuis plusieurs mois pour informer ses membres de ce qui s'en vient par l'entremise de webinaires, de son site web, d'infolettres et de représentants qui font du porte-à-porte, résume le vice-président pour le Québec à la FCEI, François Vincent, en entrevue.
Selon lui, la mise en oeuvre graduelle de la réforme de la langue française depuis son adoption il y a environ trois ans a peut-être eu pour effet de diminuer «la notoriété» entourant les prochaines obligations.
Mais la gestion de dossiers plus urgents a aussi possiblement amené des entrepreneurs à mettre de côté les changements entourant la nouvelle loi, avance-t-il.
«Les cinq dernières années ont été un feu roulant pour les dirigeants de petites et moyennes entreprises. C'est l'équivalent d'avoir été dans des montagnes russes d'imprévisibilité pour leur entreprise», relate M. Vincent.
«Il y a eu la pandémie, après, il y a eu la pénurie de main-d'oeuvre comme on n'avait jamais vu. Il y a eu l'augmentation des coûts. Puis, là, les incertitudes quant à une guerre commerciale avec les États-Unis. Donc, il y avait beaucoup de feu à éteindre sur le plancher de l'entreprise», ajoute-t-il.
Bien que l'OQLF soit «très actif», le gouvernement pourrait accentuer les communications auprès des gens d'affaires pour éviter «qu'un entrepreneur ne se retrouve dans un cul-de-sac», estime M. Vincent.
Interrogé quelque temps avant l'adoption du nouveau règlement venant préciser l'application de certaines dispositions de la loi 14, en juin dernier, l'OQLF assurait prévoir des actions de sensibilisation auprès des entreprises, certaines mesures transitoires ainsi qu'une assistance personnalisée selon la situation.
Des coûts importants anticipés
À la question du sondage, «quels éléments pourraient vous empêcher de vous conformer aux exigences?», 40 % ont répondu le fardeau administratif engendré par les nouvelles exigences, 32 % le manque de temps et 29 % les coûts élevés associés. Plus du tiers (36 %) ont déclaré qu'aucun élément ne les empêche de se conformer.
Le sondage mené l'automne dernier met également en lumière que 61 % des PME anticipent des coûts importants pour respecter les nouvelles obligations. Plus de la moitié (54 %) disent devoir faire appel à des ressources externes pour répondre aux exigences.
La FCEI croit que le gouvernement devrait verser une compensation financière aux PME afin que les changements qu'elles apportent dans le cadre de la réforme se fassent à coût nul.
«Ils l'ont fait pour d'autres mesures. Quand il y a eu le changement au niveau de la facturation dans le secteur de la restauration, le gouvernement du Québec a subventionné une partie de l'acquisition des nouveaux modules d'enregistrement des ventes», donne en exemple M. Vincent.
Selon la FCEI, il est aussi nécessaire de simplifier le processus de francisation «lourd et désuet». Elle souhaite également que le gouvernement accompagne les PME une fois la date limite arrivée, plutôt que de leur distribuer des amendes en cas de non-respect des exigences.
L'organisme a récemment interpellé par l'envoi d'une lettre le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, sur ces demandes.
«J'ai entendu une grande sensibilité d'accompagner les entrepreneurs une fois que les règles vont entrer en vigueur, mais il n'y aura pas de changement de date. Le 1er juin est une date ferme», indique M. Vincent, précisant ne pas avoir eu de retour quant à la demande d'aide financière.
Le sondage a été mené en ligne du 10 octobre au 7 novembre. Les résultats sont basés sur les réponses de 364 membres de la FCEI qui sont propriétaires de PME.
Frédéric Lacroix-Couture, La Presse Canadienne