Seulement quelques espèces en péril se portent mieux aujourd'hui qu'il y a 20 ans
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Par La Presse Canadienne, 2024
Selon la chercheuse Laurenne Schiller, «il n'est pas sorcier» de savoir que le rétablissement des espèces menacées ou en voie de disparition au Canada dépend de l'arrêt de la cause principale de leur déclin.
«Si l'on supprime la cause du déclin de la population, elle se rétablira. Ce qui est surprenant, c'est le peu de résultats obtenus jusqu'à présent», a-t-elle déclaré à propos d'une recherche qu'elle et d'autres chercheurs ont récemment publiée dans la revue «Facets».
L'étude montre qu'une poignée d'espèces en péril se portent mieux aujourd'hui qu'il y a deux ou trois décennies, au début du système canadien d'évaluation et de protection des espèces.
Ce système comprend le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC), un groupe indépendant créé à la fin des années 1970 pour conseiller le gouvernement fédéral, ainsi que la loi sur les espèces en péril adoptée pour la première fois en 2002.
Pourtant, peu de choses ont changé en ce qui concerne les menaces qui pèsent sur les espèces sauvages au Canada, indique le document, en particulier la perte et la dégradation de l'habitat.
L'étude publiée en janvier comportait une double analyse. Les chercheurs ont commencé par examiner les trajectoires de 36 espèces représentant les premiers groupes taxonomiques évalués par le COSEPAC.
Ils ont constaté que le risque d'extinction n'avait diminué que pour huit de ces espèces par rapport au passé, et que «la seule différence significative» entre les espèces qui s'en sortent le mieux et celles qui s'en sortent le moins bien était l'arrêt de la cause principale de leur déclin.
Historiquement, certaines espèces ont été confrontées à des menaces singulières, comme l'insecticide DDT, aujourd'hui interdit, qui a empoisonné les faucons pèlerins et les a poussés au bord de l'extinction, ou la surexploitation des loutres de mer à l'époque de la traite coloniale des fourrures.
Ces deux espèces se portent mieux aujourd'hui.
«Lorsque nous parvenons à identifier le problème et que des mesures très ciblées sont prises pour y remédier, nous obtenons de très bons résultats», a déclaré Mme Schiller, qui est titulaire d'une bourse de recherche postdoctorale des universités de Carleton et de Dalhousie.
Le chemin vers le rétablissement a été plus difficile pour les espèces qui luttent contre la perte d'habitat et la dégradation due à l'industrialisation et à d'autres formes de développement.
Des mesures insuffisantes
Les bélugas de l'estuaire du Saint-Laurent sont l'une de ces espèces qui se portent le plus mal aujourd'hui, a souligné Mme Schiller, ajoutant qu'elle était «tombée amoureuse» des bélugas lorsqu'elle était enfant et qu'elle visitait l'aquarium de Vancouver, et que cette espèce l'avait motivée à devenir biologiste marine.
«Les baleines vivent dans l'estuaire du Saint-Laurent, l'une des zones de transport maritime les plus fréquentées d'Amérique du Nord, voire du monde. Elles sont bombardées par la pollution sonore et les polluants chimiques de la région», déplore-t-elle.
Mme Schiller juge «excellente» l'existence d'une zone protégée pour les baleines, ainsi que les mesures plus récentes, telles que les limitations de vitesse saisonnières pour les navires.
«C'est plus que ce dont disposent beaucoup d'autres espèces», a-t-elle déclaré à propos du parc marin créé en 1998.
Mais les bélugas courent désormais un plus grand risque d'extinction, car les mesures existantes n'ont pas permis de remédier à la dégradation de l'habitat qui est à l'origine de leur déclin.
«Je vois les choses en termes humains. Si quelqu'un est atteint d'une maladie mortelle et que vous lui proposez un régime alimentaire et un mode de vie sains, ainsi que des séances de yoga gratuites, tout cela est excellent et l'aidera probablement à prolonger sa vie, mais cela ne permet pas de traiter ce qui le tue», a indiqué Mme Schiller.
L'économie canadienne dépend fortement des ressources extractives, qui empiètent sur l'habitat des espèces sauvages, et ces contraintes sont évidentes dans les décisions gouvernementales liées à la protection des espèces menacées, à son avis.
L’étude note également qu'il y a trois décennies, les documents de rétablissement des espèces du Canada soulignaient que «bien que les projets de développement produisent des avantages économiques à court terme, une économie véritablement durable nécessite un environnement sain».
Selon Mme Schiller, même si le gouvernement canadien a pris des engagements pour lutter contre le changement climatique et la perte de biodiversité, «les preuves dont nous disposons montrent qu'à l'heure actuelle, ce n'est malheureusement pas suffisant».
Outre les 36 espèces «sentinelles», l'étude s'est penchée sur les espèces évaluées par le comité consultatif de la faune au moins deux fois entre 2000 et 2019.
Les chercheurs ont constaté que seulement 1,9 %, soit huit espèces sur 422, avait connu à la fois une croissance de leur population et une diminution du risque d'extinction.
«Il s'agit d'un très petit nombre si l'on considère le temps, les efforts et l'argent consacrés à la conservation au Canada», a déclaré Mme Schiller à propos des espèces en voie de rétablissement.
Dans les deux analyses, le facteur déterminant de l'amélioration ou de la détérioration de la situation d'une espèce est la disparition de la cause principale du déclin.
Brenna Owen, La Presse Canadienne