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Santé Québec et le MSSS ratent le virage écologique, décrient des professionnels

durée 10h50
19 mars 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Santé Québec et le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) ratent le virage écologique dans le réseau de la santé, dénoncent des professionnels de la santé dans une lettre envoyée à ces deux instances gouvernementales.

Les 38 signataires de la lettre se disent «stupéfaits» que le contexte climatique ne soit pas considéré dans le Plan de transformation, Ensemble, pour une transformation durable et des résultats, publié au début de l'année.

«Nous nous butons à des barrières administratives ou de gouvernance de toutes sortes dans l’ensemble du réseau. Nous avions espoir que le Plan de transformation du MSSS comprenne une dimension écologique importante pour réduire son empreinte environnementale. Or, il n’en est rien», peut-on lire dans la lettre dont a obtenu copie La Presse Canadienne.

«Nous demandons aujourd’hui au MSSS et à Santé Québec d'exercer un leadership fort et qu’ils joignent à leurs priorités le virage écologique qui est nécessaire pour l'atteinte de soins durables, la réduction de notre empreinte environnementale et notre adaptation collective à la crise climatique», est-il écrit dans la missive.

Les médecins, pharmaciens, professeurs de médecine, anesthésistes, infirmiers et agents de planifications qui ont signé la lettre font valoir que les investissements requis pour décarboner le système de santé entraîneraient rapidement des économies de coûts. Cela est sans compter les bénéfices pour la santé de la population. «C’est un immense paradoxe: alors que le réseau de santé a pour mission première d’améliorer la santé de la population, il contribue aussi activement à l’aggraver», déplorent-ils.

Le système de santé québécois émet environ 4 % des émissions de gaz à effet de serre. Déjà dans le réseau de la santé, plusieurs initiatives écologiques sont en branle, mais ce sont des professionnels de la santé qui tiennent le tout à bout de bras, alors qu'ils sont déjà surchargés.

«Santé Québec, en allant prendre le pouls sur le terrain, probablement que ça serait facile d’émettre des lignes directrices en observant tout ce qui se fait maintenant», estime Geneviève Ouellet, pharmacienne au CHU Ste-Justine, qui a signé la lettre.

L'aspect écologique est présent dans toutes les sphères de soins, de l'approvisionnement jusqu'à l'élimination des déchets. Les signataires de la lettre s'attendent à un appui de Santé Québec et du ministère de la Santé pour standardiser les bonnes pratiques dans tous les milieux de soins.

«Tout le monde est prêt»

Certains acteurs de milieu de la santé ont des objectifs ambitieux, comme l’Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME) qui souhaite que le réseau de la santé atteigne la carboneutralité d’ici 2040. Malgré les défis, la vice-présidente Geneviève Ouellet garde le cap. «Si tout le monde embarque dans le canot et rame dans la même direction, je pense que oui, c’est quelque chose de possible, mais c’est clair que ça va prendre une implication et un leadership de nos hauts dirigeants», affirme-t-elle.

L'AQME, le Réseau d'action pour la santé durable du Québec (RASDQ), Éco-CMDPSF et bien d'autres mettent la main à la pâte pour créer des milieux en santé qui émettent moins de gaz à effet de serre (GES). Le Québec dispose aussi de plusieurs entreprises privées écologiques qui pourraient faire une différence dans l'approvisionnement.

«Tout le monde est là, tout le monde est prêt. Il y a déjà plein d'actions qui se font, mais ça serait le fun que ça parte d'en haut. C'est un virage qu'on est capable de faire, mais il faut juste arrêter de se dire que quelqu'un d'autre va s'en occuper», dénonce Mme Ouellet.

Les approches de soins écoresponsables sont non seulement meilleures pour l’environnement, elles sont aussi meilleures pour la santé des populations et pour les finances publiques.

Mme Ouellette croit que les contrats d'approvisionnement, qui s'échelonnent parfois sur une dizaine d'années, devraient prendre en compte des critères environnementaux au lieu de seulement se baser sur les prix.

«Pourquoi on favorise un médicament qui vient d’ailleurs, qui a du transport avec un impact GES beaucoup plus important qu’un autre produit qui est fait chez nous, mais qui génère des emplois chez nous et que la compagnie a une conscience écologique plus élevé qu’une autre (…) tout ça juste parce que le médicament est 15 cents moins chers», critique-t-elle.

«On veut juste que notre objectif soit entendu et on croit qu’on est capable d’aller vers là, mais on a besoin de support», conclut la pharmacienne.

Le contenu en santé de La Presse Canadienne obtient du financement grâce à un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est l’unique responsable des choix éditoriaux.

Katrine Desautels, La Presse Canadienne