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Québec met la pédale douce sur l'électrification des transports lourds

durée 16h10
30 janvier 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — L’entrée en vigueur des règles pour obliger les constructeurs à vendre des véhicules lourds zéro émission ne sera pas aussi rapide que le ministre de l’Environnement du Québec l’avait prévu, en raison de l'incertitude provoquée par l’élection de Donald Trump.

Le projet de loi 81 (PL81), qui fait l’objet de consultations publiques cette semaine, obligerait notamment les constructeurs à vendre un certain nombre de véhicules lourds zéro émission, à l’instar de la norme de véhicules zéro émission (VZE) qui existe déjà pour les automobiles.

«Ce qui permet le succès d’une norme comme celle-là, c’est la combinaison d’un cadre réglementaire et des incitatifs», a plaidé Michelle LLambías, présidente-directrice générale de Propulsion Québec, lors des consultations publiques de la Commission des transports et de l'environnement, mercredi.

Pendant un échange avec la PDG de Propulsion Québec, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, a expliqué que, «pour des raisons budgétaires, mais aussi géopolitiques», il serait «sans doute mal avisé d’imposer des restrictions importantes qui engendrent des coûts importants».

Les règlements du PL81 qui concernent l’électrification des véhicules lourds sont «fondamentaux», et «on va vouloir les défendre et les adopter, mais avec une entrée en vigueur sans doute pas aussi rapide qu’on l’aurait souhaité au départ», a expliqué le ministre Charette.

Les freins qu'imposerait Donald Trump à l’électrification des transports et les tarifs douaniers qu'il menace d'imposer au Canada expliquent l'intention du ministre de mettre la pédale douce sur l'électrification des transports lourds.

«On a une réalité qui est très incertaine, on n’a aucune confirmation par rapport à des tarifs. Mais ce que l’on sait, c’est qu’il y avait plusieurs appuis importants destinés à l’industrie automobile américaine qui ont déjà été abandonnés», a-t-il expliqué en faisant référence à l’aide financière accordée à certains constructeurs pour développer des usines de batteries ou créer de nouveaux modèles de véhicules électriques.

Il a ajouté que ces décisions «ont une incidence sur la réalité nord-américaine».

Mercredi, le ministre Charette avait fait valoir des raisons semblables pour expliquer qu’il n’excluait pas de repousser l’objectif du gouvernement d'interdire la vente de véhicules neufs à essence dès 2035.

«L’effet Trump ne doit pas nous faire reculer»

Pour la PDG de Propulsion Québec, qui représente la grappe industrielle des transports électriques, «l’effet Trump ne doit pas nous faire reculer et il faut voir plus loin que la parenthèse des quatre prochaines années».

Michelle LLambias a reconnu que «les orientations de la nouvelle présidence américaine, combinées au fait que nos deux marchés sont intégrés, viendront probablement ralentir l’adoption des véhicules lourds zéro mission en Amérique du Nord».

Elle a toutefois ajouté que «la décarbonation de l’économie est une tendance lourde et mondiale» qui est nécessaire pour ralentir les changements climatiques, mais aussi pour améliorer la qualité de l’air, donc la santé des gens.

La norme VZE pour véhicules lourds s’appliquerait aux camions ou tracteurs dont le poids est supérieur à 4536 kilogrammes, mais les autobus et les minibus ne seraient pas visés.

«Environ 182 000 camions et tracteurs routiers sont en circulation au Québec et seulement 650 d’entre eux sont propulsés par des moteurs électriques», donc moins de 1 %, a expliqué Michelle LLambias.

Les véhicules les plus lourds, et ceux qui parcourent les distances les plus grandes, sont les plus complexes à électrifier.

Propulsion Québec propose que la future norme soit d’abord appliquée aux véhicules de classe 3, 4, 5 et 6, avant d’être imposée aux véhicules de classe 7 et 8 (plus de 33 tonnes, charge incluse).

Risque «d’isolement réglementaire»

La Corporation des concessionnaires automobiles du Québec (CCAQ), les Constructeurs mondiaux d’automobiles du Canada (CMAC) et l’Association canadienne des constructeurs de véhicules (ACCV) ont collectivement déposé un mémoire dans le cadre des consultations publiques sur le PL81.

Ces organisations demandent au gouvernement qu’il porte une attention particulière «aux impacts potentiellement négatifs» qu’aurait l’application d’une norme VZE au secteur du camionnage lourd.

«Il est essentiel que le Québec maintienne une cohérence de ses normes avec l’ensemble des juridictions nord-américaines afin de préserver la compétitivité et la vitalité économique du Québec, tant pour les concessionnaires, les fabricants, les entreprises de transport que pour les autres acteurs dépendants de ce secteur», ont fait valoir ces organisations.

«Une approche isolée ou mal harmonisée présenterait un risque d’isolement réglementaire, limitant la capacité du Québec à s’intégrer efficacement dans un marché continental interconnecté», selon elles.

Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) a également déposé un mémoire dans lequel il «soulève plusieurs angles morts» dans le projet d’instaurer une norme VZÉ pour les véhicules lourds.

«L’un d’eux est que la norme proposée écarte le potentiel d’autres énergies et technologies existantes pour décarboner le secteur des transports, telles que le biodiésel et le gaz naturel renouvelable», a indiqué le CPQ dans un communiqué.

Infrastructures publiques insuffisantes

Jeudi après-midi, le président de l’Association du camionnage du Québec, le plus grand regroupement d'entreprises de transport routier de la province, a rappelé aux élus membres de la commission «que les infrastructures de recharge publiques pour véhicules lourds sont pratiquement inexistantes».

Il faut donc, a souligné Marc Cadieux, que la future norme entre en vigueur «de manière progressive sans affecter les activités quotidiennes des transporteurs».

Le secteur des transports est le plus polluant au Québec, selon le plus récent inventaire de GES publié en 2021.

Le transport routier, excluant les autres types de transport donc, représente 31 % des émissions de GES du Québec, soit 24 millions de tonnes d’équivalent CO2.

Pas moins de 6,72 millions de tonnes de GES étaient émises par les véhicules lourds, soit une hausse de 2,5 millions de tonnes par rapport à l’année de référence 1990.

Stéphane Blais, La Presse Canadienne