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Prévenir la perte auditive chez les joueurs de jeux vidéo, qui sont plus à risque

durée 10h00
16 mars 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Les jeux vidéo sont l'une des plus grandes industries du divertissement au monde, mais ils mettent à risque les jeunes joueurs de développer une surdité insidieuse et d'en subir les conséquences plus tard dans leur vie. Pour prévenir la perte auditive chez les joueurs, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé la première norme mondiale pour l'écoute sans risque dans les jeux vidéo et les sports électroniques.

Sur la planète, trois milliards de personnes jouent à des jeux vidéo sur une multitude d'appareils, mais les jeux ne disposent généralement pas de fonction d'écoute sans risque pour protéger les joueurs.

Lorsqu'on parle d'exposition au bruit, il faut regarder la durée par rapport à l'intensité, résume Ronald Choquette, qui siège au conseil d'administration d'Audition Québec et qui est professeur à l'école d'orthophonie et d'audiologie de l'Université de Montréal.

Plus le volume est élevé, plus la durée d'exposition doit diminuer. «Ce n’est pas grave d’écouter un peu fort, mais de courte durée», prévient M. Choquette. Le danger est de porter un casque d'écoute longtemps avec un son élevé. Et même si le son provient de haut-parleurs, ça ne protège pas davantage le joueur si le nombre de décibels est le même que dans les écouteurs.

Le genre du jeu vidéo va par ailleurs influencer le réglage du volume, indique Ronald Choquette. L'un des risques est qu'un joueur augmente le volume au fil des heures qui passent pour conserver son immersion dans le jeu et qu'il endommage ainsi son audition. «Il y a un lien entre le type de jeux vidéo et l’intensité qui est utilisée, mentionne l'expert. Dans les jeux les plus populaires, il y a des jeux d’aventure, des jeux de rôle — on peut penser à un militaire qui doit aller libérer quelque chose — après il y a les jeux sportifs comme un jeu de hockey, de course d'autos. Ce sont des jeux qui sont construits pour que la personne l’écoute assez fort.»

Les jeunes générations à risque

Le problème de développer une surdité en jeune âge est qu'en vieillissant, inévitablement, tout le monde va perdre de l’audition, ce qu'on appelle de la presbyacousie.

«Si une personne écoute le son de son jeu vidéo fort, elle va peut-être avoir un acouphène, mais pas une surdité permanente importante. Mais elle peut quand même déjà avoir une petite perte qui va s’accumuler avec le facteur âge pour l’amener à un niveau où elle n’aura peut-être pas le choix de faire une intervention», explique M. Choquette.

La nouvelle norme de l'OMS recommande «l’adaptation de la bande-son, du genre et la conception sonore de chaque jeu en intégrant des fonctions d’écoute sans risque». Elle fait aussi mention d'un «mode de sécurité casque dans le logiciel qui est capable de détecter un basculement de la sortie audio entre le casque et les haut-parleurs et de réduire automatiquement le volume».

Bien que ces normes soient positives, M. Choquette se demande si elles seront appliquées, puisqu'il incomberait surtout aux fabricants de jeux vidéo d'introduire ces technologies dans les logiciels de jeux. «Si tu rends l’expérience auditive moins intéressante, est-ce que le monde va autant jouer avec les jeux vidéo? C’est toujours un dilemme entre la protection et faire en sorte que les personnes vivent une expérience sonore», soulève le professeur d'audiologie.

Un sondage datant de juillet 2024 de l'American Speech-Language-Hearing Association, en collaboration avec l'OMS, révélait que les jeunes adultes (18-35 ans) qui jouent à des jeux vidéo mettent régulièrement leur audition en danger.

Plus des trois quarts pratiquent régulièrement des activités qui peuvent nuire à l'audition, dont 52 % qui utilisent des écouteurs pendant de longues périodes ou à des volumes élevés.

On apprenait aussi dans le sondage que plus d'un tiers des joueurs de jeux vidéo déclarent avoir des problèmes d'audition, dont 25 % d'entre eux estiment que leurs habitudes de jeu vidéo ont contribué à leurs problèmes auditifs. Parmi les personnes souffrant de troubles de l'audition, les deux problèmes les plus courants sont les difficultés à entendre dans les environnements bruyants et les acouphènes.

«Le fait que l’acouphène soit le deuxième symptôme indique que possiblement ils écoutent cela à un niveau assez élevé», commente M. Choquette.

Si un jeune joue, par exemple, pendant quatre heures à des jeux vidéo, il est mieux de s’arrêter pendant une quinzaine de minutes de temps en temps pour «laisser ses oreilles se reposer», conseille le spécialiste. «Si après une séance de jeux, le jeune note que ses oreilles sont bouchées ou qu’il a des acouphènes, ça devrait être une alarme comme quoi il a été exposé à de trop hauts niveaux d’intensité», dit-il.

Un message d'avertissement dans les jeux vidéo

L'une des recommandations de l'OMS est d'introduire des messages sur l’écoute sans risque informant les joueurs sur l’utilisation du son, et les avertissant en amont du moment où leur limite de tolérance sonore sera atteinte.

Les résultats du sondage de juillet dernier rapportaient qu'une fois informés du risque de perte auditive, la majorité des joueurs vidéo disaient qu'ils seraient susceptibles de changer leurs habitudes d'écoute.

M. Choquette a quelques réserves. «Quand tu es adolescent, tu te sens invincible. C’est sûr que c’est mieux quand même de les avertir, mais personnellement, je me demande si ça va vraiment fonctionner parce que ce sont des jeux qui sont faits pour t’immerger dans le jeu. Donc, peut-être qu’au début les joueurs le mettront moins fort, mais plus ils vont être embarqués dans le jeu […] plus ils vont monter le volume», pressent-il.

Plusieurs études démontrent que l'audition des adolescents et des jeunes adultes d'aujourd'hui est plus endommagée que la même population il y a une vingtaine d'années parce qu'ils sont plus exposés au bruit, notamment avec les MP3 et les téléphones intelligents. M. Choquette se réjouit donc que l'initiative de l'OMS envoie un message de sensibilisation à cette population plus à risque de voir sa santé auditive se détériorer sérieusement.

Le contenu en santé de La Presse Canadienne obtient du financement grâce à un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est l’unique responsable des choix éditoriaux.

Katrine Desautels, La Presse Canadienne