Plus de gens survivent à une cardiopathie congénitale, mais pas assez de cardiologues
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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Les personnes diagnostiquées avec une cardiopathie congénitale — une malformation du cœur présente dès la naissance — sont plus nombreuses à survivre grâce aux avancées médicales des dernières années, révèle un rapport publié mardi par Cœur + AVC. Cependant, ces gens ont besoin d'un suivi médical tout au long de leur vie et l'offre de soins ne suit pas le rythme.
Les cardiopathies congénitales sont caractérisées par des anomalies dans la structure du cœur. Elles peuvent toucher les valves, les vaisseaux, les parois ou les cavités du cœur. Environ le quart des cas de cardiopathie congénitale sont graves et les bébés touchés doivent subir une intervention médicale durant la première année de leur vie.
Depuis les années 1970 et 1980, d'importantes avancées en matière de soins et de dépistage ont permis d'accroître la survie des gens nés avec une malformation du cœur. Par exemple, les examens d'imagerie permettent de mieux les détecter. «La très grande majorité des diagnostics sont maintenant au niveau prénatal, c’est-à-dire que les malformations cardiaques sont dépistées alors que le bébé est encore dans le ventre de sa mère», indique Dr Gregor Andelfinger, cardiologue pédiatre au CHU Sainte-Justine et porte-parole de Cœur + AVC.
De plus, de nos jours, les interventions sont peu invasives. Des cathéters peuvent être insérés dans un vaisseau sanguin et montés jusqu’à l’intérieur du cœur où le médecin va déployer ses outils, par exemple pour déboucher des vaisseaux ou fermer des trous. De cette façon, le médecin n'a pas besoin d'ouvrir le thorax pour une opération.
«Le taux de survie s’est amélioré tellement vite qu’aujourd’hui il y a plus d’adultes que d’enfants avec une cardiopathie congénitale. C’est une nouvelle fantastique, se réjouit Dr Andelfinger. Ça fait 30 ans que je fais ça et c’est incroyable comment la spécialité a changé. Un bébé sur 100 naît avec une cardiopathie congénitale et 1 bébé sur 1000, à peu près, doit se faire opérer. Le taux de survie est largement au-dessus de 90 %. Pas pour toutes les lésions, mais ça change complètement le paysage.»
Meilleur taux de survie, plus de cardiologues nécessaires
Cœur + AVC note que le nombre de cardiologues qui suivent des adultes atteints d’une cardiopathie congénitale n’a pas augmenté au même rythme que le nombre de patients. Il manque aussi d'autres membres du personnel de la santé pour assurer un suivi médical adéquat.
«La charge de travail augmente en nombre, mais surtout la charge de travail augmente en intensité. Aujourd’hui, en 2025, c’est considéré une procédure de routine par exemple d’avoir des enfants avec un cœur mécanique. Ce n’était pas le cas il y a 15 ou 20 ans. Donc, ça prend des spécialistes qui ont une formation à la fine pointe. Et la charge de travail grandit beaucoup plus rapidement que le nombre de spécialistes qui dessert la population», affirme Dr Andelfinger.
Le cardiologue pédiatre demande aux autorités concernées de «mettre à disposition le nombre d’infirmières, de technologues, de personnels spécialisés et de médecins qui sont requis pour la prise en charge de cette population».
Le rapport de Cœur + AVC indique également que «les Autochtones atteints d’une cardiopathie congénitale qui tentent d’obtenir des soins peuvent faire face à des obstacles supplémentaires et disproportionnés». D'une part, certains types de cardiopathies congénitales sont plus courants chez cette population. Il est aussi moins probable qu'on leur recommande un dépistage prénatal et par conséquent, qu'un diagnostic soit posé avant la naissance.
Les personnes autochtones sont également plus réticentes à se présenter à des rendez-vous médicaux en raison du racisme dans le système de santé, soulève le rapport. La pénurie de prestataires de soins de santé autochtones constitue un autre obstacle, mais des démarches sont en cours pour augmenter le nombre d’étudiants autochtones en médecine au pays. Toutefois, il s'agit d'un objectif à long terme puisqu'il faut de 10 à 12 ans pour former un cardiologue.
Des cardiologues se déplacent dans les régions
Les cardiopathies congénitales sont associées à un risque plus élevé de développer des problèmes cardiaques, cognitifs, une dépression et de l'anxiété, entre autres. Cela double le risque d’AVC et il y a un risque de 9 à 13 fois supérieur d’insuffisance cardiaque, même chez les plus jeunes et ceux avec un trouble moins complexe.
Ces personnes ont besoin d'un accompagnement médical à long terme. Le Canada compte 32 centres spécialisés en cardiopathies congénitales, dont quatre au Québec (Sherbrooke, Québec et Montréal). L'accès semble inégal d'un bout à l'autre du pays, selon le rapport de Cœur + AVC. Il précise que seulement le quart des adultes atteints d’une cardiopathie congénitale au Canada profite d'un suivi dans un centre spécialisé.
Dr Andelfinger estime que le Québec fait bonne figure en matière d'accès aux soins spécialisés. «Depuis plus de 30 ans, c’est une mission à part de plusieurs équipes de la province. Des cardiologues des quatre centres desservent tout le territoire du Québec. Ce sont les équipes qui voyagent davantage que les patients et spécifiquement pour les phases à long terme», indique-t-il.
Des équipes se déplacent même dans les régions éloignées du Nord. «C’est vraiment tous les cardio-pédiatres du Québec qui participent à cet effort», souligne Dr Andelfinger.
Parfois, les patients doivent quand même se rendre dans les grands centres urbains pour recevoir des soins, surtout lors des phases plus aiguës de leur condition. Dans ces situations, des organismes, notamment la fondation En Cœur, offrent un soutien au niveau du logement.
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Katrine Desautels, La Presse Canadienne