Pierre Poilievre devrait maintenir ses politiques malgré des comparaisons à Trump
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Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — La promesse du chef conservateur Pierre Poilievre de renforcer la sécurité dans l’Arctique en réduisant «massivement» le budget de l’aide étrangère du Canada a suscité de nouvelles attaques de la part de ses adversaires politiques, qui l’accusent d’emprunter la politique du président américain Donald Trump.
Mais certains stratèges conservateurs balaient ces comparaisons, affirmant que ce n’est pas le moment pour le parti de changer de cap, même s’il prévoit un grand rassemblement à Ottawa cette fin de semaine, que les experts ont présenté comme un tournant.
Dans un message publié sur les réseaux sociaux mercredi, le Parti libéral a assemblé des extraits mettant en parallèle les propos de M. Poilievre et de M. Trump sur l’aide étrangère avec le slogan: «Mais d’où sort-il de telles politiques?».
L’administration Trump a gelé l’aide étrangère et les financements au développement international, en plus de réduire le personnel de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). L’organisme de bienfaisance du Vatican a condamné cette décision, affirmant qu'elle était imprudente et qu'elle pourrait mener à la mort de millions de personnes.
M. Poilievre n'a pas donné d'objectif précis, mais, lors d'une conférence de presse à Iqaluit lundi, il a déclaré qu'il prévoyait de financer une nouvelle base militaire dans l'Arctique en réduisant le financement des «dictateurs, des terroristes et des bureaucraties mondiales».
Les conservateurs canadiens promettent depuis des années des réductions de l'aide étrangère et des révisions des dépenses. Au cours de la campagne électorale de 2019, le chef de l'époque, Andrew Scheer, s'est engagé à réduire de 25 % le budget de l'aide étrangère du Canada.
«On ne peut pas se présenter comme chef conservateur pour finalement fuir les idéaux et les principes conservateurs simplement parce que le président des États-Unis pourrait en épouser certains», a soutenu Amanda Galbraith, associée au cabinet de gestion de la réputation Oyster Group.
Lori Turnbull, professeure de politique à la faculté de gestion de l'Université Dalhousie, a prévenu que l'annonce de l'aide étrangère de M. Poilievre alimentera probablement les comparaisons avec Donald Trump à un moment où le président américain est profondément impopulaire au Canada.
«Les (autres) partis vont essayer de faire en sorte que les gens aient peur de Poilievre parce qu'il ressemble à Trump. Ils l'ont déjà fait», a-t-elle affirmé.
Cela inclut également l'un des slogans les plus importants de M. Poilievre, qui qualifie son parti de «conservateurs du gros bon sens».
Dans un message publié sur son réseau social Truth Social mercredi, après son appel avec le président russe Vladimir Poutine, Donald Trump s'est vanté que «le président Poutine a même utilisé ma devise de campagne très forte, "LE GROS BON SENS"».
Garder le cap
Ginny Roth, qui était la directrice des communications de M. Poilievre pendant la campagne à la direction du parti en 2022, a indiqué qu'il était peu probable qu'il s'éloigne de ce message.
«Cela résonne chez les gens ordinaires qui disent, vous savez, que cela défie le bon sens de collecter l'argent des impôts au Canada et de le dépenser dans des projets absurdes de gauche dans des pays étrangers», a expliqué Mme Roth, associée chez Crestview Strategy.
Mme Galbraith a affirmé qu'elle ne pensait pas que M. Poilievre risquait de trop ressembler à M. Trump.
«Je pense qu'il ressemble à lui-même et je pense qu'il ressemble aux gouvernements conservateurs avec lesquels j'ai travaillé auparavant. Il ressemble à Stephen Harper», a-t-elle déclaré.
Mme Turnbull estime que, pour les partisans conservateurs purs et durs, les comparaisons ne seront probablement pas un problème.
Un sondage Léger réalisé cet automne, avant les élections américaines, suggérait qu'environ 45 % des partisans conservateurs voteraient pour Donald Trump s'ils le pouvaient.
«Les gens qui allaient se pincer le nez et voter Poilievre parce qu'ils en avaient assez de Trudeau, c'est de ceux-là qu'il doit s'inquiéter. C'est là que cela va lui coûter», a noté Mme Turnbull.
Le paysage politique canadien a radicalement changé depuis le mois de décembre. La démission choc de Chrystia Freeland du cabinet et les troubles qui en ont résulté au sein du gouvernement libéral ont conduit le premier ministre Justin Trudeau à annoncer le 6 janvier qu'il quitterait la tête du parti.
Lors de la course à la direction du Parti libéral, tous les principaux candidats ont promis de s'éloigner de la politique de tarification du carbone à la consommation. Il s'agissait d'un point de campagne important de M. Poilievre, dont il a tiré son slogan «axe the tax» (passer la taxe à la hache).
Les députés conservateurs ont prononcé cette phrase 303 fois au cours des 54 jours de session d'automne du Parlement, mais elle a été remplacée de manière plus marquée par «Le Canada d'abord» au cours des dernières semaines.
Changements dans la course
La plupart des Canadiens en veulent à Donald Trump et à sa menace d'imposer des tarifs douaniers massifs sur les produits venant du Canada. Cela a entraîné une montée de la fierté nationale et un changement radical dans les sondages.
Un récent sondage Léger suggère que, si le favori Mark Carney est choisi comme prochain chef libéral le 9 mars, l'avance à deux chiffres que les conservateurs détiennent depuis environ 18 mois disparaîtrait.
Mme Roth prévoit que les questions liées au coût de la vie domineront encore la campagne électorale, qui pourrait commencer dès la mi-mars.
«Tout bon politicien aura toujours un plan et s'adaptera aux circonstances changeantes, et ajustera ce qu'il souligne ou met en avant en fonction de ce qui est pertinent à ce moment-là», a-t-elle déclaré. Elle a ajouté qu'une réponse est nécessaire à «la menace apparemment existentielle que pose M. Trump» - mais qu'elle devrait rester cohérente avec le plan qu'ils ont depuis le premier jour.
Elle n'est pas la seule parmi les stratèges conservateurs qui ne voient pas la nécessité pour les conservateurs de changer leur message complètement.
«Tout comme (Poilievre) a su répondre aux demandes sur l'abordabilité, le logement et d'autres préoccupations, je pense qu'il parle simplement de ce que les Canadiens lui disent», a déclaré Laura Kurkimaki, vice-présidente de McMillan Vantage.
Elle a affirmé que l'annonce de sécurité dans l'Arctique de lundi «envoie un bon signal à nos voisins américains: les conservateurs surveillent de près notre souveraineté dans l'Arctique».
Sarah Ritchie, La Presse Canadienne