Nettoyer les routes canadiennes, un kilomètre et une bouteille à la fois
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Par La Presse Canadienne, 2024
VANCOUVER — Un million : c’est le nombre de contenants de plastique, de verres de cartons et de cannettes en aluminium qu’Andy Sward souhaite retirer du bord des routes d’un bout à l’autre du pays.
Ce grand gaillard originaire de la région de Vancouver complètera sa quatrième traversée du Canada en 2025, à l’âge de 54 ans.
Au moment de le rencontrer, tout juste avant le congé des Fêtes, Andy Sward avait parcouru près de 39 000 kilomètres à travers le pays depuis le début de sa mission. Il est à 1000 kilomètres d’avoir parcouru l’équivalent de la circonférence de la Terre.
Il a retiré à ce jour plus de 195 000 bouteilles et cannettes de la nature.
«À ce rythme, j’atteindrai mon objectif à 107 ans!», blague le marathonien, qui a entrepris de nettoyer, à pied, les routes et les autoroutes canadiennes en 2013.
«J’ai des idées pour atteindre mon objectif plus rapidement, répond-il. Grâce aux réseaux sociaux, je peux avertir les communautés que je m’en viens dans leur secteur, et j’invite tous ceux et celles qui en ont envie de m’aider à nettoyer leur ville. Ça fait monter le total plus vite.»
«J’ai toujours rêvé de traverser le pays à la course avec peu de bagages, se souvient le marathonien aguerri. Dès le premier jour, j’ai commencé à ramasser les bouteilles et les déchets qui traînaient sur le bord des routes. J’ai réalisé que ça me rendait heureux de le faire. »
Est ainsi né le Défi du Million de bouteilles («Million Bottle Pledge »), qui anime encore le citoyen de Coquitlam, douze ans plus tard.
« Quand on traverse le pays à pied, on réalise à quel point il est magnifique. Mais les gens mangent de la malbouffe et jettent leurs déchets par les fenêtres. C’est triste », constate le Britanno-Colombien.
Toute une vie pour une minute
Le million de bouteilles qu’Andy Sward souhaite retirer des routes d’ici la fin de ses jours est équivalent à la quantité qui se vend dans le monde chaque minute à travers le monde, selon une estimation du programme pour l’environnement de l’ONU.
L’écojoggeur est conscient qu’il s’attaque à un problème plus grand que lui, mais il a choisi d’en faire sa mission de vie. C’est aussi ce qu’il tente de démontrer avec son défi : chaque petit geste peut faire une grande différence, pour peu qu’on se mette en action.
Sa vie tout entière est articulée autour de sa vocation. Pendant l’hiver, Andy Sward travaille à l’entretien et à la maintenance du stade BC Place, là même où la chanteuse américaine Taylor Swift a mis un terme à la tournée Eras, la plus lucrative de l’histoire, en décembre. Le genre d’événement où il se vend des centaines de boissons à la minute.
Pendant les mois plus chauds, Andy Sward renoue avec sa mission. Accompagné d’Oskie, une poussette ornée d’un unifolié et à laquelle il a greffé des bâtons de hockey et autres accessoires, le coureur vêtu d’une veste réfléchissante et d’un chapeau gris à large bord arpente les autoroutes et les chemins pour récupérer les bouteilles et les canettes. Celles-ci sont ensuite jetées, recyclées ou offertes à des organismes qui profiteront de leur consigne.
Selon le principal intéressé, le Québec est la province où traînent le moins de déchets au bord des routes; l’Ontario est le cancre du pays.
«C’est surtout une question d’éducation et d’installations, dit-il. En Ontario, il y a très peu d’incitatifs à consigner ou recycler les bouteilles. Ce ne sont que les cannettes de bière qui sont consignées. Et il n’y a parfois aucune poubelle dans des parcs. »
Faire œuvre utile
À l’image de Terry Fox, qu’il admire, Andy Sward s’attaque au cancer de la Terre qu’est la pollution. Il compte amasser des bouteilles pour le reste de sa vie s’il le faut, une vie qu’il organise autour de cet objectif hors du commun, en occupant des petits emplois ici et là pour subvenir à ses besoins et en étant logé chez des gens qui soutiennent sa mission, parfois des inconnus qui finissent par devenir des amis… et des adeptes.
«Pendant mon premier voyage, j’ai été hébergé par un ami de Calgary. Il m’a confié que depuis ma visite, il a commencé à ramasser des déchets chaque fois qu’il sort de chez lui», témoigne-t-il.
Une histoire qui s’est répétée depuis.
Et tout ça, il le fait bénévolement.
«On me demande pourquoi je n’ai pas de commanditaires ou pourquoi je n’ai pas de campagne de sociofinancement; pour moi, le Canada tout entier me soutient, que ce soit en m’hébergeant ou en m’aidant dans ma mission, dit-il. Personnellement, je le fais pour nettoyer et parce que j’aime vraiment cela.»
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Ce reportage a été réalisé grâce à une bourse d’excellence de l’Association des journalistes indépendants du Québec.
Marie-Ève Martel, La Presse Canadienne