Montréal accueille les essais pour la Coupe du monde de soccer des sans-abri
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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Fabrice Mugabe passe le ballon au-delà du défenseur adverse à Jean-Philippe Duré, qui le frappe dans les gants du gardien de but, un intervenant au refuge pour sans-abri de Montréal où les deux hommes sont hébergés.
Pour les hommes sur le terrain intérieur du quartier du Plateau à Montréal, c’était la première occasion de montrer leurs compétences aux recruteurs, qui alignent une équipe pour représenter le Canada au tournoi international de soccer annuel à Oslo, en Norvège, en août — la Coupe du monde des sans-abri.
Après la séance d'entraînement de mercredi, Fabrice Mugabe, 35 ans, a indiqué qu'il se sentait «fatigué, épuisé, essoufflé, mais surtout incroyable parce que cela faisait longtemps que je n'étais pas sorti».
«Je puise dans quelque chose que je n'avais pas exploité depuis longtemps», a-t-il raconté, savourant sa chance de potentiellement porter le maillot du Canada.
L'Association canadienne de soccer de rue, qui a organisé la séance d'entraînement de mercredi, est une association à but non lucratif qui utilise le sport pour aider les personnes sans abri et autres formes d'exclusion sociale à se réinsérer dans la société. Elle a contacté les refuges pour sans-abri de la ville, invitant les personnes vulnérables à prendre part à ce beau jeu.
L'objectif de l'association est de recruter des joueurs de différentes provinces pour participer à la Coupe du monde des sans-abri, organisée par un organisme de bienfaisance appelé la Fondation de la Coupe du monde des sans-abri.
Après la pandémie de COVID-19, Fabrice Mugabe a perdu non seulement son emploi dans un entrepôt, mais aussi le toit au-dessus de sa tête. «J'ai traversé une période difficile comme tout le monde, et sans travail, je n'avais vraiment nulle part où aller», a-t-il expliqué. Mais avec l'aide de la Maison du Père, un refuge pour hommes sans-abri à Montréal, il a trouvé un nouvel emploi et met de l'argent de côté pour pouvoir emménager dans un appartement.
Bob Humphreys, directeur du programme québécois de l'Association canadienne de soccer de rue, a supervisé l'entraînement de mercredi. Originaire de Londres, en Angleterre, Bob Humphreys a indiqué que son groupe organise des matchs de soccer pour donner aux sans-abri l'occasion de créer une communauté et de se remettre des difficultés.
«Il s'agit de mettre des sourires sur les visages (…) de remettre une once de positivité dans l'état d'esprit», a-t-il témoigné. «Ce n'est pas une question de talent. Ce n'est pas une question de soccer. Il s'agit davantage de l'aspect social et de l'acquisition de compétences sociales par ces gars-là, leur réintégration dans la société.»
M. Humphreys a mentionné qu'il s'attendait à voir environ sept joueurs mercredi, mais que seuls deux hommes sans-abri se sont présentés. Les températures glaciales de la journée ont rendu les déplacements des participants difficiles, a-t-il dit, ajoutant qu'un camion appartenant à la Mission Old Brewery, l'un des autres refuges de Montréal impliqués dans le programme, avait un pneu crevé et ne pouvait pas transporter les joueurs.
Jean-Philippe Duré, 49 ans, sans-abri depuis 2021, dit s'être présenté mercredi pour montrer ses compétences sur le terrain. «Franchement, je me sens très bien, a-t-il déclaré après l'entraînement. J'ai du talent au soccer et je veux faire mes preuves.»
Samuel Drolet-Bégin, intervenant à la Maison du Père, a souligné que le programme de soccer permet aux intervenants et aux personnes sans-abri avec lesquelles ils travaillent de se connecter en dehors du milieu du refuge.
Recrutés dans plusieurs provinces
Hossam Khedr, PDG de l'Association canadienne de soccer de rue, a mentionné qu'un total de huit joueurs seront recrutés pour une équipe mixte hommes-femmes. Pour l'instant, l'association recrute au Québec, en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique, mais elle prévoit d'étendre le programme aux autres provinces du Canada pour les futurs tournois de la Coupe du monde des sans-abri.
Pour le tournoi qui aura lieu en août, chaque équipe alignera quatre joueurs — un gardien de but et trois voltigeurs — sur un terrain plus petit que celui de la FIFA. Le tournoi est organisé chaque année par une ville différente. Les éditions précédentes ont été organisées par Paris et Rio de Janeiro.
Les joueurs doivent être sans abri depuis peu ou logés temporairement, a expliqué M. Khedr. Cependant, certaines personnes ayant une adresse fixe, notamment les réfugiés et les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie, peuvent également être sélectionnées. Le comité de sélection choisira les personnes qui, selon lui, bénéficieront le plus d’un voyage en Norvège et d’une participation au tournoi.
Ed Kiwanuka-Quinlan, directeur des opérations de l’association de soccer de rue en Ontario, a déclaré que la participation au soccer avait été une bouée de sauvetage pour lui lorsqu’il s’est retrouvé sans abri il y a plus de dix ans à Brampton, en Ontario. Incapable de faire face à la mort de sa mère et au traumatisme causé par la guerre civile ougandaise, il est devenu dépressif et a tenté de mettre fin à ses jours.
M. Kiwanuka-Quinlan était dans un refuge depuis deux semaines lorsqu’un membre d’une autre association de soccer de rue lui a demandé de taper dans un ballon. Il a d'abord refusé l'offre, mais a fini par jouer et ressentir «l'euphorie d'appartenir à quelque chose».
Chaque passe réussie et chaque but étaient un motif de célébration qui lui donnait l'espoir et l'énergie nécessaires pour commencer à remettre sa vie sur les rails. Après avoir été sans-abri pendant deux ans, il a représenté le Canada à la Coupe du monde des sans-abri de 2012 au Mexique.
«C'était la simplicité d'être invité (...) et c'est le pouvoir transformateur du sport (...) se sentir important.»
Joe Bongiorno, La Presse Canadienne