Menaces tarifaires: François Legault effectuera une première visite à Washington
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Par La Presse Canadienne, 2024
QUÉBEC — Le premier ministre François Legault s'envole pour Washington, où il participera cette semaine à une mission spéciale du Conseil de la fédération.
Les 13 premiers ministres provinciaux et territoriaux y feront une série de rencontres, afin de «plaider en faveur du maintien de solides relations entre le Canada et les États-Unis».
Ils comptent aborder les thèmes suivants: l'emploi et l'économie, l'énergie, les chaînes d'approvisionnement en minéraux critiques, la sécurité des frontières et l'immigration.
Cette rare mission des premiers ministres survient alors que le président américain Donald Trump menace d'imposer des tarifs douaniers de 10 % sur le pétrole et de 25 % sur tous les autres produits canadiens.
Les tarifs devaient commencer à s'appliquer ce mois-ci, mais M. Trump a finalement décidé d'accorder un sursis de 30 jours au Canada.
En entrevue à La Presse Canadienne, le chef de l'opposition officielle à l'Assemblée nationale, Marc Tanguay, affirme qu'il est «grandement temps» que M. Legault «s'implique» et se rende à Washington.
«C'est la première visite de François Legault aux États-Unis depuis 2023», souligne-t-il. Pourtant, selon lui, le Québec doit être au cœur de la stratégie canadienne.
«Ce que le Québec rend disponible aux États-Unis, ce sont des intrants névralgiques: l'aluminium, l'acier, le bois d'œuvre, rappelle M. Tanguay. Nous tenons pour acquis que François Legault (...) va être capable de faire valoir aux élus américains l'importance des (...) intrants du Québec.
«Au titre des minéraux critiques et stratégiques, le lithium, le graphite, le cobalt, (...) il doit également être capable de mettre sur la table l'importance de ce que ça représente pour les États-Unis», a-t-il ajouté.
Marc Tanguay dit espérer que ce périple à Washington sera «le premier d'une longue série» de voyages pour le premier ministre du Québec, car «la menace est encore tangible».
«Il ne faut jamais sous-estimer les rencontres personnelles, les relations de confiance qui se bâtissent et se consolident», a-t-il insisté.
Éviter les tarifs, ou du moins les atténuer, «c'est toujours possible», renchérit le porte-parole péquiste en matière de relations internationales, Pascal Paradis.
Il demande à François Legault d'activer ses canaux diplomatiques «à tous les niveaux», tant dans les milieux politiques que d'affaires.
Danielle Smith (Alberta) et Doug Ford (Ontario) «sont déjà allés établir leurs propres relations», a souligné M. Paradis en entrevue.
Il a dit espérer que M. Legault prenne le temps à Washington de «faire voir les différences institutionnelles et culturelles entre le Québec et le Canada, parler de nos atouts commerciaux et de notre façon de faire affaire».
Modérer ses attentes
S'il est vrai que la visite des premiers ministres à Washington n'est pas «inutile», il faut cependant «modérer nos attentes», prévient de son côté le politicologue de l'Université de l'Alberta Frédéric Boily.
«Ce serait très surprenant, même improbable, que cela puisse constituer un tournant dans la relation canado-américaine présentement, a-t-il affirmé lors d'un entretien téléphonique. La dynamique de fond n'est pas provinciale; c'est le gouvernement fédéral qui est l'acteur majeur dans tout ça.»
Toutefois, M. Boily prédit que l'effort concerté des premiers ministres provinciaux et territoriaux sera «bien perçu par l'ensemble de la population canadienne qui est inquiète», selon lui.
En ce sens, projeter l'image d'un pays uni consisterait en une réussite, la première ministre de l'Alberta, Danielle Smith, n'ayant pas toujours été du front commun.
Mais l'on ne doit surtout pas s'arrêter là, estime la co-porte-parole de Québec solidaire, Ruba Ghazal.
En entrevue, elle souligne que l'impact des potentiels tarifs se fait déjà sentir au Québec, alors que certaines entreprises, dans l'incertitude, procèdent à des mises à pied.
M. Legault a déjà affirmé que les tarifs mettaient en péril 100 000 emplois au Québec.
Ruba Ghazal invite donc M. Legault à «garder en tête les travailleurs» et menacer de tarifer l'hydroélectricité que le Québec envoie aux États-Unis.
«M. Legault a dit qu'il était ouvert, mais il faudrait commencer à l'utiliser, parce que ça nous permettrait d'avoir un certain rapport de force dans les discussions qui vont avoir lieu avec M. Trump», a-t-elle déclaré.
Le premier ministre du Québec a affirmé au cours des dernières semaines qu'il réfléchissait, avec les autres provinces, à différentes mesures de représailles.
Il a signalé son intention d'aider les entreprises, de diversifier les marchés d'exportation du Québec et d'abolir certaines barrières interprovinciales qui nuisent au commerce intérieur au Canada.
M. Legault s'est aussi dit prêt à autoriser des projets de pipeline et de terminal gazier, s'ils sont acceptés socialement, pour désenclaver les hydrocarbures de l'Alberta.
Il est prévu que le chef du gouvernement du Québec effectue une deuxième mission à Washington d'ici avril.
Le Canada et les États-Unis forment l'un des plus importants marchés intégrés au monde. Plus de 3,5 milliards $ en biens et services franchissent la frontière chaque jour.
Caroline Plante, La Presse Canadienne