Les thérapies géniques offrent un espoir pour deux maladies du sang
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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Les progrès réalisés dans le domaine de la thérapie génique pourraient prochainement offrir de nouvelles possibilités de traitement aux patients souffrant de deux maladies héréditaires génétiques qui touchent des millions de personnes.
La maladie falciforme et la thalassémie touchent majoritairement des individus d’origine africaine, des Caraïbes, d’Asie et du Proche-Orient. Elles affectent les globules rouges, modifiant leur forme ou leur production.
Ces maladies, bien que distinctes, sont similaires quant à leurs conséquences sur la santé: les deux provoquent une anémie, parfois sévère, et peuvent entraîner des dommages aux organes. De plus, la maladie falciforme se manifeste souvent par des douleurs très sévères, lorsque les globules rouges en faucilles obstruent la circulation du sang.
Les traitements pour ces maladies visent essentiellement à gérer les symptômes et à prévenir les complications, mais les solutions curatives sont rares, souvent limitées et peu accessibles, a dit la docteure Stéphanie Forté, qui est hématologue et oncologue médicale au CHUM.
«Il y a un médicament qu'on donne depuis 40 ans, mais malheureusement, ça ne fonctionne pas pour tout le monde et il faut le prendre tous les jours, donc il y a quand même des contraintes», a-t-elle expliqué.
«Dans certains cas on peut proposer des transfusions, (...) mais on traite les manifestations, et pas la cause. Avec ces interventions-là, les patients peuvent revenir à l'urgence plusieurs fois par année avec des douleurs très graves.»
Des études ont même démontré que la qualité de vie de ces patients est comparable à celle des patients atteints d'un cancer et soignés en chimiothérapie. Une greffe de moelle osseuse peut parfois leur être proposée, mais il s'agit d'une intervention lourde et invasive qui n'a rien d'une partie de plaisir.
Les progrès réalisés dans le domaine de la thérapie génique au cours des dernières années sont toutefois «un vent d'espoir pour des maladies qui sont négligées par la recherche depuis des années», a ajouté la docteur Forté.
Plusieurs études sont maintenant arrivées «à maturation», a-t-elle souligné, grâce aux patients qui ont accepté d'y participer, et nous sommes aujourd'hui en mesure de constater «l'effet que ça a eu».
La thérapie génique peut prendre plusieurs formes. Elle peut par exemple consister à intervenir pour relancer la production de l'hémoglobine fœtale, qui cesse habituellement six mois après la naissance. «Cette thérapie-là a été approuvée à l'automne par Santé Canada», a indiqué la docteure Forté.
La docteure Forté a récemment signé avec son collègue le docteur Kevin Kuo, qui est hématologue et chercheur en thalassémie à l'Université de Toronto, un avis scientifique dans la prestigieuse revue médicale The Lancet qui portait sur une autre forme de thérapie génique.
«C'est comme une enveloppe qu'on envoie par la poste à nos cellules, et dans cette enveloppe il y a les instructions pour produire de l'hémoglobine», a-t-elle expliqué.
Dans l'étude que son collègue et elle ont commenté, 89 % des 18 participants atteints ont vu leur état s'améliorer suffisamment pour ne plus avoir besoin de transfusions.
«C'est un traitement intense qui comporte des risques qu'on ne connaît pas entièrement à long terme, mais il y a le potentiel de se débarrasser des transfusions, et pour un patient thalassémique, on parle de transfusions toutes les deux ou six semaines, donc c'est considérable», a souligné la docteure Forté.
D'autres recherches sont toutefois nécessaires pour identifier la thérapie génique qui sera la plus efficace et la plus sécuritaire quand vient le temps de prendre en charge ces patients et d'améliorer leur qualité de vie, a-t-elle ajouté.
Si plus de gens peuvent avoir accès à des traitements qui sont potentiellement curatifs à long terme, ils auront peut-être moins besoin des autres soins de santé et ils auront moins de complications, a complété la docteure Forté.
«On travaille avec des chercheurs à travers le Canada pour développer une approche aussi canadienne que globale pour savoir comment on va faire pour avoir accès rapidement à ces traitements pour les patients qui en ont le plus besoin, a-t-elle conclu. Et comment est-ce que ça va être fait de façon équitable pour que, peu importe où les gens vivent au Canada, s'ils ont une urgence médicale, (...) ça ne devrait pas être l'endroit où ils vivent qui détermine qui aura accès ou pas à un traitement qui va changer sa vie.»
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne