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Les rats profitent des changements climatiques pour proliférer, dit une étude

durée 14h00
31 janvier 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Les rats de plusieurs grandes villes du monde profitent du réchauffement climatique pour proliférer, prévient un chercheur de l'université américaine de Richmond, en Virginie.

Des hivers plus chauds, des conditions de vie plus denses, une végétation moins abondante et des moyens de dératisation limités ont également contribué à l'augmentation des populations de rats en milieu urbain, un phénomène particulièrement marqué à Toronto, à Washington et à San Francisco.

«Pour les villes où on peine déjà à contrôler les rongeurs urbains, ça va devenir encore plus problématique, a résumé Jonathan Richardson, qui est professeur adjoint de biologie à Richmond. Ça va demander un effort encore plus considérable pour réduire ces populations.»

Le professeur Richardson et ses collègues ont analysé une douzaine d'années de données colligées dans 16 grandes villes. Mais de toutes les variables qui ont influencé les populations de rats, la hausse de la température ambiante est celle qui a le plus grand impact, ont précisé les chercheurs. «Ça comptait pour 47 % des fluctuations à la hausse du nombre de rats», a dit M. Richardson.

Les cinq villes ayant le taux de croissance le plus élevé sont Washington, San Francisco, Toronto, New York City et Amsterdam. Et même parmi celles-ci, on a constaté des écarts importants: la croissance de la population de rats à Washington, par exemple, a été 1,5 fois supérieure à celle de la ville de New York.

«Nous avons constaté une tendance à l'augmentation du nombre de rats dans près de trois quarts des villes étudiées, a dit M. Richardson. Mais cette tendance n'était pas universelle, et nous pouvons peut-être tirer des leçons des villes qui ont connu des tendances à la baisse ou des tendances plus faibles.»

Ce sont dans les villes qui se réchauffaient le plus rapidement que la hausse de la population de rats était la plus rapide, a-t-il ajouté.

Mais les changements climatiques ne sont pas que profitables pour les rats. À New York, par exemple, les responsables de la lutte aux envahisseurs dans la mégalopole américaine ont accueilli avec bonheur la récente vague de froid polaire qui a balayé la ville, en expliquant que les animaux les moins en santé pourraient ne pas y survivre et que les autres resteraient terrés sans se nourrir ou même se reproduire.

Le froid ralentit aussi l'activité humaine, ce qui se traduit par moins de nourriture disponible pour les rats.

La tendance est toutefois clairement au réchauffement, a souligné le professeur Richardson, et des hivers de plus en plus doux sont probables, ce qui permettra aux rats de circuler plus librement.

«Quand on regarde des rats en laboratoire, on voit qu'une température plus chaude amène une maturité sexuelle plus rapide, a-t-il dit. Ils se reproduisent plus souvent et peuvent avoir des portées plus nombreuses. Et on a des raisons physiologiques de croire que c'est la même chose pour les rats sauvages. Donc, une fécondité accrue accélérerait certainement la croissance de la population.»

Si le temps se réchauffe, a ajouté le professeur Richardson, si l'hiver arrive une ou deux semaines plus tard et si le printemps arrive une ou deux semaines plus tôt, les rats pourront passer plus de temps à la surface à chercher de la nourriture. Et si cela devait se traduire par une portée ou deux de plus par année...

Il y a théoriquement une «limite thermique» pour les rats, a-t-il complété, c'est-à-dire une chaleur à partir de laquelle leur population commencerait à en souffrir, «mais nous en sommes encore loin», a-t-il dit, ce qui est probablement une bonne nouvelle aussi pour les humains.

On sait que les rats sont porteurs d'une cinquantaine de maladies zoonotiques et de parasites qui peuvent nuire aux humains, a rappelé le professeur Richardson. Ils peuvent aussi nuire à la santé mentale de ceux qui les côtoient au quotidien. Il y a donc un grand intérêt d'un point de vue de santé publique, selon lui, à comprendre ce qui se passe.

Mais pour le moment, a déploré le professeur Richardson, on manque de données fiables pour mesurer l'ampleur du problème. Lors de son étude, par exemple, ses collègues et lui n'ont trouvé que 16 villes disposant de telles données, alors qu'ils espéraient pouvoir en analyser quelques centaines.

De plus, la seule manière dont ils ont pu évaluer la population de rats dans chaque ville est par extrapolation en partant des plaintes formulées par le public.

«Les villes doivent être meilleures quand vient le temps de colliger des données systématiques et fiables au sujet de leur population de rats, a conclu le professeur Richardson. Elles doivent connaître l'ampleur du problème actuel, elles doivent connaître les projections, comment elles vont changer, si elles veulent mettre en place des stratégies de contrôle efficaces. Elles ont besoin de données de départ pour mesurer leurs succès.»

Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal Science Advances.

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne