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Les plafonds de dépenses en publicité électorale par des tiers jugés contre la Charte

durée 11h34
7 mars 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

La Cour suprême du Canada a jugé qu'une loi ontarienne qui limite les dépenses en publicité électorale pour les tiers partis viole le droit de vote, protégé par la Charte canadienne des droits et libertés.

La plus haute cour du pays a rejeté l'appel du gouvernement de l'Ontario par une décision partagée de 5 contre 4 et a invalidé cette partie de la loi.

Avant 2021, les tiers partis en Ontario pouvaient dépenser jusqu'à 600 000 $ en publicité dans les six mois précédant le déclenchement d'une élection provinciale.

Cette année-là, le gouvernement du premier ministre Doug Ford a prolongé la période de restriction des dépenses à un an tout en maintenant la limite des dépenses.

La décision de la Cour suprême a déclaré que la loi sur le plafond des dépenses est si disproportionnée qu'elle permet aux partis politiques d'«étouffer» les voix des tiers partis.

Les dispositions législatives «engendrent une disproportion absolue dans le débat politique général, qui prive les électeurs d’un éventail de points de vue et de perspectives sur certains enjeux au cours d’une période cruciale du cycle démocratique et nuit à leur capacité de formuler des préférences véritables, indique la décision de vendredi, rédigée par la juge Andromache Karakatsanis. Cela compromet le droit des électeurs de voter de manière éclairée et de participer utilement au processus électoral.»

La cour a estimé vendredi que cet article de la loi n'est pas «justifié dans une société libre et démocratique» et a confirmé la déclaration de la Cour d'appel selon laquelle l'article de la loi en question n'a aucune force ni effet.

La province a déclaré qu'elle réexaminerait la décision et «déterminerait les prochaines étapes en temps voulu».

«Après avoir terminé les élections, au cours desquelles le peuple a donné au premier ministre Ford et à notre gouvernement un mandat fort, cette décision n'a pas d'impact immédiat», a fait valoir Grace Lee, porte-parole de Doug Ford.

Le gouvernement progressiste-conservateur avait précédemment soutenu que la restriction prolongée était nécessaire pour protéger les élections de toute influence extérieure, mais les critiques ont déclaré qu'elle revenait à tenter de faire taire les critiques avant les élections provinciales de 2022.

Le gouvernement a soutenu que la Cour d'appel avait appliqué le mauvais test juridique et n'avait pas tenu compte des conclusions factuelles du juge d'application.

La majorité de la Cour suprême a finalement exprimé son désaccord, mais quatre juges ont exprimé leur dissidence.

«Pour dire les choses simplement, les intimés n’ont pas établi que le plafond aura pour effet de priver chaque citoyen de la possibilité raisonnable d’introduire ses propres idées et opinions dans le débat politique ou d’être informé des faits et des idées et points de vue des autres», ont écrit deux dissidents, dont le juge en chef Richard Wagner.

Contestations

Lorsque la loi a été mise en place, elle a été contestée par plusieurs groupes tiers, dont des syndicats d’enseignants. Un tribunal inférieur l’a invalidée pour des raisons de liberté d’expression.

La province a réagi en déposant une nouvelle version du projet de loi qui utilisait la clause dérogatoire, une disposition de la Charte des droits et libertés qui permet à un gouvernement de passer temporairement outre à certains droits.

Mais les tiers ont interjeté appel de la nouvelle loi en vertu d’un autre article de la Charte – le droit de vote.

La Cour d’appel de l’Ontario a déclaré que le recours à la clause dérogatoire était légitime, mais elle a tout de même jugé la loi inconstitutionnelle parce que la violation des droits à la liberté d’expression des annonceurs tiers a finalement conduit à la violation du droit à une participation significative au processus électoral.

Ce droit n’était pas soumis à la clause dérogatoire telle qu’elle a été rédigée par le gouvernement.

La Cour a donné au gouvernement un an pour créer une nouvelle loi conforme à la Charte.

Mais le procureur général de l’Ontario a déposé un appel devant la Cour suprême du Canada, qui a été accueilli fin 2023.

Avant une loi de 2017 promulguée par le gouvernement libéral de l’époque, il n’y avait aucune limite à la publicité électorale des tiers en Ontario.

Lors des élections de 2014, les tiers avaient dépensé 8,64 millions $, ce qui représentait 17 % de toutes les dépenses électorales.

Les syndicats étaient parmi les plus gros annonceurs tiers. La Working Families Coalition, connue pour ses publicités anti-conservatrices, a dépensé 2,5 millions $ pendant la campagne, avec des contributions de certains des plus grands syndicats de la province.

La coalition et plusieurs syndicats d'enseignants ont participé à l'affaire devant la Cour suprême, tandis qu'il y avait plus d'une douzaine d'intervenants, dont les procureurs généraux du Canada, de l'Alberta et du Québec ainsi que l'Association canadienne des libertés civiles et le directeur général des élections de l'Ontario.

Un avocat représentant la coalition jubilait vendredi. «C'est vraiment un magnifique témoignage du rôle que les partis non politiques comme les tiers partis doivent jouer dans le système politique », s'est enthousiasmé Paul Cavalluzzo dans une entrevue.

«La loi telle qu'elle est formulée a donné aux partis politiques et au gouvernement la possibilité, comme l'a dit la cour, de submerger et d'étouffer les tiers partis, a-t-il expliqué. L’impact de cette situation a été que les citoyens n’avaient pas accès aux informations que des tiers pouvaient leur fournir et qui leur auraient été utiles pour éclairer leur vote.»

Liam Casey, La Presse Canadienne