Les modèles de casques de hockey les plus sécuritaires ne sont plus sur le marché
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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Non seulement les fabricants de casques de hockey pourraient rendre leurs produits plus sécuritaires, mais les modèles qui réduisent le plus les risques de blessures à la tête ne sont plus sur le marché, si on se fie au plus récent classement d'un groupe de chercheurs de l’Université Virginia Tech.
Chaque année, des chercheurs d’un laboratoire de Virginia Tech, une université américaine, publient une liste des casques de hockey selon leur capacité à «réduire le risque de commotion».
Les tests qu’ils effectuent permettent d’attribuer une note et des étoiles aux différents casques.
Les pièces d’équipement les plus sécuritaires obtiennent cinq étoiles et les moins sécuritaires en obtiennent une.
La différence entre la «performance liée à l’impact», donc la capacité de réduire le risque de blessure, d'un casque qui a seulement une étoile et d'un modèle qui en a cinq «est énorme», selon Barry Miller, l'un des directeurs du laboratoire de Virginia Tech.
Fait étonnant, il n’y a pas de corrélation entre le prix d’un casque et le nombre d’étoiles qu’il obtient.
Par exemple, le CCM Super Tacks X, qui est classé 68e sur 69, se vend 550 $ sur le site internet de CCM.
Sur le même site, le casque le plus sécuritaire selon l’étude, le CCM FL500, est affiché à 280 $.
Peu de casques, seulement huit sur 69, obtiennent cinq étoiles.
Malheureusement, le consommateur canadien qui souhaite mettre la main sur un de ces huit modèles de casques risque de chercher longtemps.
À moins de tomber sur une fin d'inventaire, ces produits sont pratiquement introuvables.
En revanche, plusieurs des casques les moins bien notés, comme le CCM Super Tacks X, ou le Bauer IMS 5.0, qui ont obtenu une seule étoile, sont en vente chez les principaux détaillants d'équipement de hockey.
D’excellents casques retirés du marché
Comment expliquer que les casques les mieux notés sont pratiquement absents des magasins du pays?
La Presse Canadienne a posé la question à la directrice des communications de la Société Canadian Tire, qui possède notamment les magasins Sports Experts, Sports Rousseau, Hockey Experts, l'Entrepôt du Hockey, Pro Hockey Life et Sportchek.
Dans un échange de courriels, Cindy Thérèse Hoffman a répondu que, même si ces magasins offrent «une grande sélection de casques présentés dans l'étude de Virginia Tech», certains modèles mentionnés dans l'étude «ne sont plus fabriqués, ont été rappelés ou remplacés par des versions plus récentes par les marques de hockey/manufacturiers».
La directrice des communications de la Société Canadian Tire a précisé que «parmi les casques actuellement disponibles mentionnés dans l'étude, nous proposons de nombreux modèles, dont le Bauer RE-AKT 85, Bauer Hyperlite 2 et Warrior Covert CF-100».
Ces casques sont classés respectivement 21e, 19e et 24e et obtiennent quatre étoiles, selon la liste de Virginia Tech.
Alors pourquoi, après avoir retiré du marché des casques qui obtiennent cinq étoiles, les fabricants proposent de nouveaux produits, qui, selon les chercheurs de Virginia Tech, ne sont pas aussi sécuritaires?
CCM et Bauer sont les deux principaux fabricants de casques de hockey.
CCM, dont le siège social est à Montréal, n’a pas répondu aux demandes d’entrevues de La Presse Canadienne.
Le service des relations de presse de Bauer, une entreprise dont le siège social est à Boston, a accepté de répondre aux questions dans un échange de courriels.
Les casques qui obtiennent cinq étoiles «sont des modèles des années précédentes» et l’entreprise met régulièrement sur le marché «de nouveaux modèles faits avec de nouveaux matériaux et de nouvelles technologies».
Pour Bauer, «la sécurité», mais aussi «le confort, la forme, le poids et d’autres facteurs sont considérés dans la fabrication des casques».
Le classement de Virginia Tech est «une liste importante, mais ce n'est qu'un outil parmi d’autres» et Bauer fait ses propres tests dans son centre de recherche et développement à Blainville au Québec.
«Nous utilisons aussi d'autres normes, y compris celles de la LNH et celles de la CSA», a écrit le service des relations de presse de Bauer.
Le sigle CSA fait référence aux normes canadiennes, qui assurent que les casques protecteurs sont conçus de façon à offrir la meilleure protection possible au joueur.
Reproduire les impacts subis sur la glace
Même si les normes CSA, ou de son équivalent américain HECC, permettent de s’assurer que la pièce d’équipement réponde à certains standards, elles ne permettent pas de déterminer si un produit est plus sécuritaire qu’un autre, contrairement au classement du laboratoire indépendant de Virginia Tech.
«Le laboratoire de casques de Virginia Tech est donc complémentaire à ces normes» avec «son système de notation qui évalue les casques en fonction des impacts réels à la tête», explique Barry Miller, l'un des directeurs du laboratoire de l’université américaine.
«Nous effectuons des recherches et déterminons comment les gens se cognent la tête en jouant au hockey» et «revenons au laboratoire pour construire des bancs d'essai afin de reproduire au mieux ces scénarios d'impact réels».
Les tests en laboratoire consistent notamment à frapper les casques avec des masses, à différentes vitesses et à différents endroits.
Plus précisément, les chercheurs évaluent, à l’aide de capteurs, la capacité des casques à réduire l’accélération linéaire et rotationnelle que peut subir le cerveau d’un joueur.
Le marché de l’équipement de hockey est à la traîne
Le physiothérapeute du sport Maxime Provencher est d'avis que la liste de Virginia Tech «contient des informations importantes» qui méritent d’être connues du public.
Cet ancien joueur de la Ligue de hockey junior Maritimes Québec souligne que les clients achètent souvent un casque en fonction de son «look» ou de sa légèreté, mais rarement en fonction de sa capacité à réduire les blessures, car «les clients et les vendeurs ne connaissent malheureusement pas ces données-là».
Maxime Provencher, qui travaille principalement avec des athlètes de l’Université Laval, mais aussi avec des joueurs de hockey professionnels, tient à rappeler qu’aucune pièce d’équipement ne peut prévenir une commotion cérébrale.
Même s’il s’interroge sur les raisons qui poussent les fabricants à arrêter de distribuer des casques qui ont cinq étoiles, il constate que l’industrie a progressé dans la dernière décennie.
«Force est d'admettre qu’il y a eu une amélioration», souligne le physiothérapeute.
Dans le premier classement de casques de hockey de Virginia Tech en 2015, sur 32 casques évalués, aucun n’avait obtenu quatre ou cinq étoiles et un seul des casques en avait obtenu trois.
Dix ans plus tard, huit casques sur 69 ont obtenu cinq étoiles et 18 en ont obtenu quatre.
«Probablement que la première liste, en 2015, a obligé les compagnies à revoir un peu la façon qu’elles travaillaient», ajoute le physiothérapeute du sport.
Mais cette amélioration est insuffisante, selon le spécialiste de la biomécanique Barry Miller.
«Le marché des casques de hockey est vraiment à la traîne par rapport à tous les autres marchés des casques de sport en ce qui concerne l'amélioration de la protection contre les impacts», explique celui dont le laboratoire teste également des casques de football et de vélo.
«Le CCM FL500 était numéro un en 2017», mais «aucun casque ne l’a surpassé depuis», s’étonne le directeur du laboratoire en parlant de la pièce d'équipement qui n'est plus vendue en magasin.
En comparaison, les progrès ont été si importants dans le football et le cyclisme que son équipe a décidé qu’elle allait revoir à la hausse les critères pour obtenir cinq étoiles.
«Ce qui n’est pas le cas pour les casques de hockey», laisse tomber le chercheur.
Stéphane Blais, La Presse Canadienne