Les experts sont divisés sur une éventuelle résistance à une invasion américaine


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Par La Presse Canadienne, 2024
HALIFAX — La plupart des experts ne croient pas à une possible invasion du Canada par les États-Unis.
Mais Aisha Ahmad, une professeure de sciences politiques de l'Université de Toronto, ne pense pas comme eux.
«À cause du déséquilibre des forces entre les États-Unis et le Canada, une invasion signifierait une défaite immédiate de l'armée canadienne», dit celle qui a publié le mois dernier un essai sur ce sujet sur le site The Conversation.
«Une victoire militaire conventionnelle n'est pas la fin de l'histoire. Ce n'est que le commencement», ajoute-t-elle.
Dès le mois de décembre, M. Trump a parlé des possibilités de faire du Canada le 51e État de son pays. En janvier, il a affirmé que les États-Unis pourraient utiliser l'armée pour s'emparer du Groenland et du canal de Panama. Lorsqu'on lui a demandé s'il comptait envahir le Canada pour l'annexer, il a dit vouloir utiliser la «force économique» américaine.
La Pre Ahmad a étudié les mouvements de rébellion depuis plus de 20 ans. Selon elle, si les États-Unis étaient assez téméraires pour envahir son voisin du nord, une violente répression contre la population canadienne pourrait lancer une longue résistance.
«Il est impossible d'annexer le Canada sans violence, souligne la Pre Ahmad. Personne ne naît rebelle. C'est ce qui se passe lorsque les gens voient leur mère être assassinée ou lorsqu'ils ne peuvent pas faire hospitaliser leurs enfants. Les gens se battent lorsqu'ils doivent le faire.»
Elle dit que dans un premier temps, les citoyens commenceraient à s'engager dans la désobéissance civile. D'autres se lanceraient dans des opérations de sabotage, d'embuscade ou mèneraient des raids. Ces désordres draineraient l'énergie et les ressources de l'ennemi.
«Les études sur la guérilla montrent clairement que les parties plus vulnérables peuvent utiliser des méthodes non conventionnelles pour affaiblir un ennemi puissant pendant de nombreuses années, écrit la Pre Ahmad dans son article. Cette approche conçoit la guerre comme un travail secret, à temps partiel, qu’une personne ordinaire peut accomplir.»
Elle ajoute que «Trump se trompe s’il croit que 40 millions de Canadiens se laisseraient conquérir sans résistance».
Si seulement un pour cent de la population canadienne décide de se rebeller activement contre les forces américaines, le nombre de rebelles s'élèverait à 400 000. Ce chiffre est 10 fois supérieur aux effectifs des talibans en Afghanistan, qui sont finalement parvenus à expulser la coalition menée par les États-Unis de leur pays, mentionne la Pre Ahmad.
Les Américains n'ont jamais connu du succès lors des guerres insurrectionnelles.
Ni longue ni violente
Howard Coombs, directeur du Centre des politiques internationales et de défense de l'Université Queen's, à Kingston, reconnaît qu'une invasion américaine ne prendrait pas trop de temps, mais il ne croit pas non plus qu'elle serait violente.
L'armée américaine tenterait sûrement de limiter les destructions et les pertes en vie humaine afin d'éviter que la population se retourne contre elle, souligne-t-il. C'est une stratégie qui a permis aux Américains et aux Canadiens de connaître un certain succès pendant un certain temps en Afghanistan.
«Amener la population à coopérer ou la convaincre de rester neutre est préférable à une rébellion de plusieurs milliers de combattants. J'ai servi avec les Américains. Je me suis entraîné avec les Américains. Je suis demeuré pendant deux ans dans leur système afin d'apprendre à me battre. Ils n'auraient pas besoin d'une trop grande force. Je ne comprends pas pourquoi on pense qu'ils en auraient besoin.»
M. Coombs refuse de croire que les Canadiens pourraient résister violemment pendant une longue période de temps.
«Nous aimerions tous croire que nous nous battrons jusqu'à la fin, mais je ne crois honnêtement pas que cela sera le cas. Nous n'avons pas une frontière poreuse pour nous ravitailler. Les Russes nous enverraient-ils des approvisionnements par l'Alaska ? Les Britanniques vont-ils nous parachuter des biens ?»
La Pre Ahmad rétorque que la Russie et la Chine voudront appuyer toutes les rébellions qui mineraient les fondements de la plus grande puissance mondiale. Ces deux pays peuvent fournir des armes et d'autres produits de diverses façons.
Eliot Cohen, un historien américain, recommande aux Canadiens de ne pas perdre leur sommeil à ce sujet.
«Toute cette notion est absurde. Mais cette stupide administration [Trump] ne rêve pas de le faire.»
M. Cohen ne croit pas qu'il faille prendre Donald Trump trop au sérieux. «Mon conseil à mes amis Canadiens: ne lui donnez pas le plaisir de se fâcher.»
Michael MacDonald, La Presse Canadienne