Les droits de douane chinois et américains inquiètent les agriculteurs de canola


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Par La Presse Canadienne, 2024
MOOSE JAW — Le canola est très présent sur la ferme de Margaret Rigetti, dans le sud de la Saskatchewan.
Son grand-père a été parmi les premiers à cultiver cette plante aux fleurs jaune vif dans les années 1970, et c'est devenu un aliment de base depuis.
«Pour une grande partie de la Saskatchewan, l'économie agricole a été alimentée par le canola», explique Mme Rigetti, directrice chez SaskOilseeds, lors d'une entrevue sur ses terres près de Moose Jaw.
«C'est une expérience personnelle que de voir les gens s'intéresser au canola, simplement parce que c'est une histoire tellement canadienne, tellement canadienne de l'ouest, tellement saskatchewanaise et tellement présente ici, sur ma ferme.»
La Chine a imposé aux agriculteurs canadiens des droits de douane de 100 % sur l'huile de canola, le tourteau de canola et les pois, en représailles aux droits de douane imposées par le Canada à Pékin sur les véhicules électriques, l'acier et l'aluminium fabriqués en Chine.
Les producteurs sont également pris dans l'incertitude quant aux droits de douane du président américain Donald Trump. Ce dernier en a imposé sur l'aluminium, l'acier et les automobiles canadiens, tout en envisageant l'application de droits supplémentaires.
Les produits visés par l'accord Canada-États-Unis-Mexique, notamment les produits agricoles et énergétiques, ne sont pas assujettis aux tarifs américains. Le Canada a riposté en prenant des contre-mesures.
Mme Rigetti regarde le journal télévisé dans son salon. Elle dit le regarder plus souvent pour se tenir au courant des derniers développements.
«Nous avons déjà connu des difficultés, mais nous n'avons jamais été dans la ligne de mire de nos deux principaux partenaires commerciaux», dit-elle.
Elle sort un livre sur l'histoire de sa famille et le feuillette jusqu'à une page où figure l'image d'une moissonneuse-batteuse ramassant des andains de canola. En dessous, on peut lire un extrait : «La nouvelle culture qui change tout.»
Canola est un mot-valise formé de «Canada» et de «ola», qui signifie huile. Des chercheurs de la Saskatchewan et du Manitoba ont développé cette culture dans les années 1970 pour remédier aux problèmes d'acide érucique dans son prédécesseur, le colza.
Le canola est utilisé pour la fabrication d'huile de cuisson, d'aliments pour animaux riches en protéines et de biodiesel. Le développement de cette culture a contribué à la prospérité qu'elle représente aujourd'hui pour les agriculteurs, dont plus de la moitié est cultivée en Saskatchewan.
Dans la cour de Mme Rigetti, d'immenses silos en acier permettent à son mari et à son fils de vider des graines de canola brun foncé dans un camion. Ils partent livrer le produit à un terminal céréalier.
Mme Rigetti dit que son fils sèmera son premier champ de canola cette année.
«Il faut faire attention à ne pas effrayer nos enfants», dit-elle.
«J'essaie de me concentrer sur ce que nous pouvons réellement contrôler, c'est-à-dire planter une culture, obtenir la meilleure récolte possible, gérer nos coûts et notre santé mentale.»
Un air de déjà-vu
Dans une ferme près de Fillmore, au sud-est de Regina, le producteur Chris Procyk affirme que l'histoire se répète.
«Nous sommes malheureusement une fois de plus pris au milieu d'un conflit commercial que nous n'avons ni provoqué ni créé, et c'est nous qui en payons la facture», déclare M. Procyk, vice-président de l'Association des producteurs agricoles de la Saskatchewan.
Il affirme également que les problèmes seraient plus graves si les États-Unis imposaient des droits de douane sur les produits agricoles. Les récoltes et la potasse canadiennes se dirigent vers le sud et les machines agricoles vers le nord.
Il affirme que le gouvernement fédéral devrait fournir une aide financière ou d'autres soutiens aux agriculteurs touchés par la guerre commerciale.
«Il n'y a pas vraiment de solution de repli», dit-il. «L'ensemble du secteur agricole est soumis à un conflit commercial, et nous n'avons aucun contrôle sur l'évolution de la situation.»
Les exploitations agricoles ont déjà été confrontées à des difficultés en provenance de Chine.
En 2019, Pékin a bloqué les importations de canola canadien de deux entreprises, invoquant des problèmes de contamination, bien que cette mesure ait été considérée comme une réponse à l'arrestation par le Canada de Meng Wanzhou, une dirigeante d'entreprise chinoise. Les Canadiens Michael Spavor et Michael Kovrig ont également été arrêtés en Chine quelques jours après l'arrestation de Mme Wanzhou.
Cette dernière ainsi que les deux Canadiens ont été libérés dans leurs pays respectifs en 2021. La Chine a levé son interdiction sur le canola l'année suivante, mais on estime que l'économie canadienne a perdu environ 2 milliards $ en raison du conflit.
«Les exploitations agricoles peuvent supporter certaines difficultés à court terme», affirme Mme Rigetti. «Si la situation perdure, elle remet tout en question.»
Jeremy Simes, La Presse Canadienne