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Les délégations du Québec prêtes «à tous les scénarios» au lendemain du 5 novembre

durée 10h00
20 octobre 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Les représentations diplomatiques du Québec aux États-Unis ont intensifié les efforts sur le terrain à l'approche de l'élection présidentielle. Elles cherchent à minimiser les contrecoups de potentielles mesures protectionnistes sur les entreprises québécoises au lendemain du 5 novembre.

Québec et l'ensemble de ses instances en sol américain ont mis en œuvre une «préparation spéciale» dans le cadre du contexte électoral, indique le délégué à Washington, Benjamin Bélair, en entrevue avec La Presse Canadienne.

Le gouvernement québécois a notamment bonifié les ressources de ses délégations pour assurer une «meilleure force de frappe», au dire de M. Bélair. Le ministère des Relations internationales et de la Francophonie (MRIF) a ajouté 11 postes répartis entre sept représentations établies aux États-Unis.

Les bureaux à Miami et à Washington sont passés au statut de délégations, «ce qui implique notamment une plus grande influence sur le territoire couvert, et une plus grande offre de services pour les partenaires et entreprises québécoises», explique le MRIF par écrit.

Les ressources de la délégation dans la capitale fédérale américaine ont été doublées, précise M. Bélair.

D'autre part, les délégations se préparent à toute éventualité selon les résultats. «On est prêt à tous les scénarios. Le Québec va être prêt à travailler avec la prochaine administration, quelle qu'elle soit», affirme M. Bélair qui représente le Québec auprès du gouvernement fédéral américain depuis août 2023.

Les délégations surveillent de près la course à la Maison-Blanche et les futures politiques d'une présidence républicaine ou démocrate. Elles portent aussi une attention sur les élections qui se jouent au niveau du Sénat et de la Chambre des représentants.

«On a des stratégies pour vraiment tous les cas de figure, incluant les configurations différentes au Sénat et à la Chambre des représentants», qui pourraient venir influencer l'équilibre du pouvoir, mentionne M. Bélair.

«Un risque pour le Québec»

La dynamique protectionniste qui plane chez nos voisins du Sud, et qui transcende les partis politiques actuellement, préoccupe les délégations.

Il faut dire que les États-Unis constituent le premier partenaire commercial du Québec. Plus de 70 % des exportations québécoises se passent au sud de la frontière auxquelles sont liés environ 400 000 emplois dans la province. En outre, 12 000 entreprises québécoises brassent des affaires en sol américain.

Toutes nouvelles barrières à la frontière pouvant entraîner une diminution des échanges commerciaux représentent alors «un risque pour le Québec», évoque M. Bélair.

«On travaille d'arrache-pied à faire valoir l'impact positif que le Québec joue dans l'économie américaine, puis l'importance de garder les échanges commerciaux ouverts entre les États-Unis et le Québec», soutient-il.

Cela passe par une multiplication des rencontres avec des élus tant démocrates que républicains et leurs équipes ainsi qu'auprès d'associations d'affaires et des entreprises.

Entretenir des liens et des relations à tous les niveaux, les instances diplomatiques québécoises le font de manière constante en dehors du contexte électoral, soulignent deux anciennes déléguées à New York, Catherine Loubier et Martine Hébert. Un poste qu'elles ont occupé de 2019 à 2021 et de 2021 à 2024, respectivement.

«Je pense que le premier rôle des délégations à l'étranger, c'est d'être en communication continuelle avec les politiciens et les officiels au gouvernement. Mais aussi avec les différents partis politiques et bureaux clés avec lesquels on va devoir discuter rapidement, si justement il y a des mesures qui peuvent affecter les intérêts du Québec», affirme Mme Loubier.

«En eau plus calme» avec Kamala Harris

Si démocrates et républicains ont chacun des «velléités protectionnistes» à différentes intensités, une présidence sous Kamala Harris offrira possiblement une meilleure prévisibilité que Donald Trump sur le plan diplomatique, estime Mme Hébert.

Les délégations «vont certainement naviguer en eau plus certaine et plus calme sous une administration Harris que sous une administration Trump», affirme celle qui a aussi été déléguée à Chicago, entre 2019 et 2021.

Mais les représentations québécoises devront tout de même demeurer sous leur garde face à une éventuelle présidente Harris, selon Mme Hébert. Une première révision de l'Accord Canada–États-Unis–Mexique est prévue en 2026 et l'actuelle vice-présidente américaine a été l'une des sénatrices ayant voté contre l'entente commerciale en 2020, souligne-t-elle.

«Je pense que ça va être important de faire valoir l'importance de cet accord, son aspect gagnant-gagnant et que ce n'est pas vrai que c'est juste le Canada qui gagne, considérant le fait qu'on a tous intérêt sur le continent nord-américain à sécuriser nos chaînes d'approvisionnement», soutient l'ex-déléguée.

Selon Mme Loubier, les délégations devront être capables de démontrer comment une mesure protectionniste pourrait «faire mal» autant, ou sinon plus, aux Américains qu'aux Canadiens et aux Québécois.

«Si on anticipe des tarifs sur un secteur ou l'autre de l'économie, surtout pour le Canada, on doit le démontrer en disant; ‘‘telle usine dans tel État, avec tel sénateur, tel gouverneur, tel représentant au Congrès, vous allez vous auto-infliger des dommages. Voici pourquoi’’», explique-t-elle.

Des délégations qui font une différence

Le travail des délégations du Québec, également appuyé par la diplomatie canadienne, a donné des résultats dans le passé, soutiennent les intervenants interrogés.

Elles font «une différence énorme» et sont «un atout indispensable», avance Martine Hébert.

«À New York, on a mené avec des partenaires sur le terrain des campagnes pour contrer certains projets de loi qui auraient, par exemple, eu des impacts sur notre industrie du bois au Québec et sur l'industrie des véhicules électriques», relate-t-elle.

La levée des tarifs douaniers sur les importations aux États-Unis d'aluminium canadien, lors du premier mandat de Donald Trump, est citée comme un exemple montrant l'efficacité des instances diplomatiques.

«On parle de centaines et de centaines d'appels et de représentations directes» qui ont été nécessaires pour faire comprendre du côté américain que ces tarifs sur les produits canadiens seraient aussi néfastes pour eux, se souvient Mme Loubier.

«Les délégations ont un très grand rôle parce que c'est la continuité de la voix du Québec sur le terrain» avec une compréhension de la culture américaine et une proximité immédiate qui permet de tenir des rencontres en face-à-face, dit-elle.

«Ça apporte un respect et une écoute de ce qu'on à dire», fait-elle valoir.

Selon M. Bélair, d'autres provinces canadiennes aimeraient avoir un réseau de délégations de la même ampleur que celui du Québec et aussi efficace.

«Je sais que dans le reste du Canada, on est parfois très jaloux de la force de frappe qu'on s'est donnée aux États-Unis. (...) On a un impact direct sur les entreprises québécoises, mais aussi sur la promotion puis la défense des intérêts du Québec», affirme-t-il.

En plus d'une présence à New York, Washington, Miami et Chicago, le Québec a aussi des représentations à Los Angeles, Boston, Atlanta et Houston.

Frédéric Lacroix-Couture, La Presse Canadienne