Les constructeurs automobiles frustrés, mais soulagés par le sursis tarifaire


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Par La Presse Canadienne, 2024
Le secteur automobile ressent un mélange de soulagement et de frustration persistante depuis que le président américain Donald Trump a accordé une exemption tarifaire d'un mois pour les véhicules échangés dans le cadre de l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM).
L'Association canadienne des constructeurs de véhicules, qui représente Stellantis, Ford et General Motors (GM), a indiqué qu'elle «se félicitait» de cette exemption.
«Nous sommes impatients de travailler sur une solution permanente qui reconnaît l'intégration du marché nord-américain et renforce les normes strictes établies dans l'ACEUM», a déclaré le président et chef de la direction de l'association, Brian Kingston, dans un communiqué.
Le président de Global Automakers of Canada, David Adams, a mentionné que le sursis d'un mois «est mieux que pas de sursis», mais qu'il laisse néanmoins l'industrie faire face à une incertitude importante pour l'avenir.
«Un mois de répit, est-ce que ça va changer demain ? Tout cet exercice, c'est un peu comme essayer de clouer de la gelée au mur parce que nous avons affaire à quelque chose qui change de forme tout le temps», a déclaré M. Adams, dont l'association représente Honda, Toyota, Volkswagen et d'autres compagnies.
«C'est extrêmement frustrant pour quiconque d'essayer de comprendre où se trouve le bout du tunnel et comment faire des plans pour aller de l'avant», a-t-il ajouté.
La porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, a précisé aux journalistes mercredi que les trois grands constructeurs automobiles — Stellantis, Ford et GM— avaient demandé une exemption aux droits de douane de 25 % de Donald Trump lors de leur entretien avec le président.
Mme Leavitt a déclaré que les droits de douane réciproques entreront toujours en vigueur le 2 avril, mais que le président accorde une exemption d'un mois d'ici là afin que les constructeurs automobiles ne soient pas placés «dans une situation économique désavantageuse».
M. Adams a cependant affirmé que ses membres n'étaient pas rassurés par la pause temporaire en raison de la «myriade» d'autres droits de douane annoncés par le président américain, comme ceux sur les importations d'acier et d'aluminium dans son pays à partir du 12 mars.
«On nous demande de sauter, mais personne ne nous dit jusqu'où», a-t-il illustré.
D'autres représentants de l'industrie ont également exprimé un sentiment d'exaspération face aux annonces répétées sur les droits de douane.
Lorsqu'on lui a demandé de commenter l'évolution de mercredi, Flavio Volpe, directeur de l'Association des fabricants de pièces automobiles, a fait référence à un message qu'il avait publié sur les réseaux sociaux.
«Nous tournons en rond, personne ne sait où nous arrêterons», a-t-il écrit.
Des réactions mitigées
Ford, Stellantis et GM ont tous indiqué mercredi qu'ils appréciaient l'exemption temporaire.
«Nous continuerons d'avoir un dialogue sain et franc avec l'administration pour aider à assurer un avenir brillant à notre industrie et à l'industrie manufacturière américaine», a déclaré le porte-parole de Ford, Said Deep, dans un courriel.
Stellantis a souligné qu'elle soutenait la «détermination de M. Trump à permettre au secteur automobile américain de prospérer» et a ajouté qu'elle était impatiente de travailler avec lui et son équipe.
«Dans le cadre de l'ACEUM, l'industrie automobile a développé une base de fabrication et une chaîne d'approvisionnement intégrées pour aider notre région à être compétitive à l'échelle mondiale», a statué Jennifer Wright, porte-parole de GM Canada, dans un courriel.
La présidente du conseil d'administration de Linamar, Linda Hasenfratz, a qualifié les droits de douane d'«éléphant dans la pièce».
S'exprimant lors d'une conférence téléphonique sur les derniers résultats du fabricant de pièces automobiles, elle a déclaré que les clients de Linamar devraient payer des milliards si les tarifs restent en place.
«Le coût de ces droits de douane, notamment si les tarifs sur l'acier et l'aluminium s'ajoutent, serait énorme. Le coût pour nos clients se chiffrerait en milliards et finirait probablement par fermer l'industrie», a-t-elle soutenu.
À l'heure actuelle, les activités se déroulent en grande partie comme d'habitude dans les usines de l'entreprise, les clients «continuant à retirer les produits fabriqués dans nos usines canadiennes et mexicaines conformément aux commandes de production existantes», a-t-elle fait valoir. «Nous attendons de voir ce qui va se passer ensuite.»
Pour les activités industrielles de Linamar, l'entreprise a accumulé des stocks aux États-Unis pendant des mois afin que les clients puissent acheter sans droits de douane, au moins temporairement, a précisé Mme Hasenfratz.
À la question de savoir si Linamar pourrait déplacer une partie de la production vers ses installations américaines pour aider à atténuer les effets des droits de douane, Mme Hasenfratz a répondu que «cela n'a tout simplement pas de sens».
Le paysage changeant plusieurs fois par jour, «vous devez vous concentrer sur le long terme», a-t-elle expliqué.
«Ce n'est pas une prémisse sur laquelle construire une stratégie de fabrication. Je veux dire, vous n'allez pas dépenser des milliards de dollars et des mois et des mois pour déplacer la production et courir après un droit de douane qui est là aujourd'hui, disparu demain, de retour le lendemain», a-t-elle mentionné.
La prolongation «ne change vraiment rien», a déclaré Lana Payne, présidente nationale d'Unifor, qui représente les travailleurs des principaux constructeurs automobiles connus sous le nom de Detroit Three.
«Le résultat est un autre mois d'instabilité dans l'industrie automobile, un autre mois pour faire pression sur les entreprises afin qu'elles déménagent, un autre mois pour essayer de faire pression sur le gouvernement canadien», a ajouté Mme Payne dans un communiqué de presse mercredi soir.
Sammy Hudes, La Presse Canadienne