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Les clients de la «Rage Room» d'Halifax visent Donald Trump

durée 04h00
16 mars 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

HALIFAX — Après avoir posé une photo encadrée du président américain Donald Trump sur une table, Matthew Burke recule et assène un puissant coup de batte de baseball. Le verre se brise lorsque le cadre explose. L'image effacée disparaît.

Satisfait de son effort, le jeune homme de 14 ans, vêtu d'une combinaison sombre, d'un masque de paintball et d'un gilet pare-balles, salue sa sœur aînée et sa mère.

Bienvenue à la «Rage Room» d'Halifax, soit une salle de démolition, où les clients font la queue pour participer à l'événement spécial «ÉCRASEZ les droits de douane».

À l'achat d'un forfait régulier de la salle de démolition, comme «Gestion de la colère» ou «Congé parental», chaque client reçoit une photo de Donald Trump gratuite à détruire à volonté. Les photos encadrées du vice-président J.D. Vance et du PDG de Tesla, Elon Musk, coûtent 5 $ de plus, dont les bénéfices sont reversés aux banques alimentaires locales.

Interrogé sur la raison de son geste contre la photo du président, Matthew Burke a répondu : «C'est la façon dont il traite ce pays.» Le garçon dégingandé a alors traversé la pièce sans fenêtre, dont le plancher était couvert d'éclats de verre, de vaisselle cassée et de poteries brisées.

Sa sœur de 17 ans, Lillian, a utilisé un bâton de golf pour frapper sa photo du commandant en chef des États-Unis de 13 coups directs.

«Je suis venue ici pour évacuer ma frustration et ma colère en toute sécurité, dit-elle, la voix étouffée par son masque en plastique. Ce n'est pas un homme très intelligent et il fait actuellement des choses pas très intelligentes.»

Terry LeBlanc, propriétaire de «Rage Room» Halifax, dit avoir entendu l'anxiété et le mécontentement des gens à la suite des droits de douane du président américain et à ses menaces d'annexer le Canada par la force économique.

«La réaction a été un peu bouleversante, a mentionné M. LeBlanc lors d'une entrevue vendredi. Mais c'est formidable. Cela montre vraiment que les Canadiens ne veulent pas être le 51e État.»

M. LeBlanc, propriétaire de la «Rage Room» depuis près de sept ans, explique que ces salles permettent d'évacuer le stress de manière saine et sécuritaire, sans que ses clients aient à nettoyer.

En général, les objets proposés à la destruction comprennent de la vaisselle, de la verrerie, des appareils électroménagers, des téléviseurs grand écran et divers appareils électroniques, tous issus de friperies locales. Une grande partie des déchets abîmés laissés après le chaos est envoyée au recyclage.

Une séance de démolition basique — «Smash It 101» — coûte 49 $.

Plus de mal que de bien?

Les salles de colère, aussi appelées salles de destruction, existent depuis plusieurs années. Bien que leur utilisation soit souvent décrite comme une activité récréative et d'entraide, certaines recherches suggèrent qu'elles pourraient faire plus de mal que de bien.

«Des études ont montré que les accès d'agressivité physique apprennent au corps à réagir aux sentiments de stress, de colère et de frustration par la violence», selon un article publié plus tôt ce mois-ci sur le site Verywell Mind, supervisé par un conseil composé de professionnels de la santé mentale.

L'article cite les travaux de trois chercheurs, dont l'article de 2019, intitulé «Explosive matters: does venting anger reduce or increase aggressive?», a été publié dans le Journal of Aggression, Maltreatment and Trauma.

Pourtant, M. LeBlanc affirme que l'état d'esprit de ses clients à la sortie des salles de colère est indéniable.

«La plupart des gens qui sortent d'ici ont le sourire aux lèvres, a expliqué M. LeBlanc, un homme costaud à la longue barbe poivre et sel, ancien employé du secteur du verre. Nous aimons toujours leur demander quelle était leur activité préférée. Dernièrement, écraser Donald Trump est devenu leur priorité.»

Pourtant, Terry LeBlanc assure ne pas s'intéresser particulièrement à la politique ni à la psychanalyse des raisons pour lesquelles les gens s'acharnent à dénigrer l'image de Donald Trump.

«Nous sommes avant tout du divertissement, a-t-il précisé. Nous ne sommes ni thérapeutes ni médecins. Les gens viennent ici pour s'amuser et se défouler (…) Tout le monde y gagne.»

Au fil des ans, des gens de tous horizons sont entrés dans l'une de ses petites pièces délabrées pour se défouler. Il se souvient d'un jour où le directeur général d'une grande compagnie d'assurances est arrivé dans un costume rayé sur mesure.

«Il voulait briser une tasse de thé et des théières, a raconté M. LeBlanc en ricanant. Il était britannique (…) Il y a quelque chose dans le fait de briser quelque chose qui, à une époque, aurait fait dire à grand-mère : "Non, ne touche pas à ça."»

Michael MacDonald, La Presse Canadienne