Les bonnes résolutions sur les réseaux sociaux, pour le meilleur et pour le pire
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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Des centaines de milliers d'internautes postent sur les réseaux sociaux leurs bonnes résolutions de la nouvelle année, et encore plus les regardent. Le tout nous confronte à nos propres résolutions. La comparaison avec des gens du monde entier et de tous les milieux peut être aussi positive que négative. En fait, comme souvent avec les réseaux sociaux, ils vont surtout venir amplifier des phénomènes déjà existants. Pour le meilleur et pour le pire.
L'exercice physique, les dépenses, le tabagisme, l'alcool sont d'année en année dans le haut des listes de résolutions de la plupart des gens. On voit sur les réseaux sociaux plus ou moins les mêmes résolutions que celles que l'on entendait de la part de nos proches, note Emmanuelle Parent, docteure en communication et directrice générale du Centre pour l’intelligence émotionnelle en ligne (CIEL). La nuance est que de regarder les bonnes résolutions d'internautes, et notamment d'influenceurs, de personnes avec des moyens autres pour atteindre leurs objectifs, peut avoir tendance à faire se comparer négativement.
«C'est important de se poser la question de 'comment je me sens quand je suis exposé à ces images-là', parce que ce ne sont peut-être pas toutes les résolutions qui nous affectent de la même manière», soulève Mme Parent.
Avant, on pouvait se comparer à des personnes qu'on connaissait, qu'on côtoyait, ou éventuellement à quelques célébrités via la presse people, souligne l'experte. Mais, depuis l'avènement des réseaux sociaux, des influenceurs, etc., on peut se comparer quasi à l'univers entier avec des résolutions diverses et variées. Mais surtout, des résolutions qui souvent ne seront pas à la portée de tout le monde.
Faciles à publier, mais moins faciles à tenir, les publications exposant ses bonnes résolutions sont aussi bien plus nombreuses que celles montrant qu'on s'y tient. Car il y a le biais de la vitrine que sont les réseaux sociaux, explique Mme Parent. Les gens vont se montrer en ligne sous leur meilleur jour ou se montrer tout court, car ils ont une réussite sociale, mais on ne va percevoir de ça que l'idée que les gens sont exigeants avec eux-mêmes, sans voir ceux qui ne prennent pas de bonnes résolutions ou échouent dans leurs objectifs.
La directrice du CIEL insiste. «Il faut se demander où est-ce qu'on se situe.» Est-ce que c'est un contenu qui va m'inspirer, m'encourager à prendre de bonnes habitudes? Ou est-ce qu'il me donne plutôt tendance à me comparer en me diminuant, à me mettre la pression, voire à culpabiliser?
«Ce n'est pas tout le monde qui a la même sensibilité à la comparaison sociale, qui va voir un contenu et qui va se comparer versus qui va s'en inspirer», pointe la docteure en communication.
Le professeur Richard Koestner, qui enseigne la psychologie à l'université McGill, confirme cette logique et met en garde: «Le plus souvent, ces comparaisons ne sont pas d'une grande aide, car la plupart du temps nous faisons une comparaison négative et nous avons le sentiment de ne pas accomplir autant que les personnes qui publient sur les réseaux sociaux», souligne-t-il. «Et je crois que beaucoup d'entre nous pensent, à tort, qu'on ne peut pas soutenir la comparaison.»
En réponse à cela, Emmanuelle Parent affirme qu'il faut s'éduquer aux réseaux sociaux en gardant un esprit critique, afin de «s'armer contre l'influence néfaste que ça peut avoir sur nous».
Soutien ou pression?
Les deux experts reconnaissent tout de même qu'il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Les réseaux sociaux ont le mérite de donner accès à de nouvelles idées de bonnes résolutions - certaines auxquelles nous n'aurions pas pensé tout seuls -, à des tutoriels ou des astuces qui vont encourager à prendre de bonnes habitudes, ainsi qu'à une communauté qui va peut-être pouvoir apporter une motivation supplémentaire et une forme de soutient.
Mme Parent rappelle que de publier sur les réseaux sociaux, c'est aussi s'exposer. «Ça peut être stressant de s'afficher, de se rendre vulnérable aux autres, mais ça peut aussi être très valorisant.»
Le soutien d'une communauté en ligne peut faire des merveilles, mais il est lui aussi à double tranchant, comme l'explique le Pr Koestner. «Mes propres recherches ont montré qu'il faut distinguer deux types de soutien. Le plus naturel est d'encourager et même d'essayer d'aider la personne. (...) C'est ce que j'appelle le soutien directif. Mais mes recherches indiquent que ce type de soutien n'aide pas beaucoup.» Il faut plutôt privilégier, selon lui, le second type de soutien, qu'il appelle «soutien empathique». Cela veut dire que la personne va s'intéresser et poser des questions, mais ne va surtout pas se montrer poussif ni mêler ses objectifs aux vôtres.
Le problème est que les réseaux sociaux ouvrent une porte au monde entier en ce qui a trait au premier type de soutien et la communauté peut faire ressentir une forme de pression, quand des trolls ne font pas carrément culpabiliser.
Choisir ses combats
Les deux experts le confirment, la clé pour tenir ses bonnes résolutions est avant tout de bien les choisir. Elles doivent correspondre à nos goûts personnels, à notre mode de vie et à nos capacités. Et surtout, il faut se montrer indulgent avec soi-même.
Le Pr Koestner a étudié de près nos bonnes résolutions. Il a d'ailleurs remarqué que seule une très petite portion de la population se tient à ses bonnes résolutions, mais qu'il ne faut pas avoir honte de ne pas réussir.
Selon lui, si nous échouons tant à nous tenir à nos bonnes résolutions, cela est en grande partie dû au fait que nous prenons des résolutions qui demandent un gros changement dans nos habitudes et que cela demande énormément d'autodiscipline.
Or, soutient le psychologue, il y a des preuves solides qui montrent que chacun d'entre nous a une capacité d'autodiscipline limitée et que notre quotidien chargé nous fait déjà fonctionner au maximum de notre capacité. Ces nouveaux objectifs que nous nous fixons en début d'année nous obligent donc à trouver une réserve d'autodiscipline que nous n'avons pas forcément.
«Il faut se demander comment on peut fixer son nouvel objectif sans drainer toutes ses ressources d'autodiscipline, expose le professeur. C'est pourquoi bien choisir son objectif est très important.» Si la résolution choisie ne demande pas trop d'autodiscipline et suscite un intérêt personnel et naturel, il y a de bonnes chances pour que cela fonctionne.
À cela s'ajoute le contexte, soutient le Pr Koestner. Pour ceux qui, comme les Québécois, connaissent un climat particulièrement rude au moment de prendre ses bonnes résolutions, le contexte ne joue pas en leur faveur. Le froid et la neige jouent sur nos habitudes et nos possibilités d'activités en extérieur, tout en jouant sur notre moral. Le professeur en psychologie confie donc une astuce: reprendre ses bonnes résolutions du 1er janvier au début de l'été. C'est beaucoup plus facile, confie-t-il, et souvent plus détendu grâce aux jours fériés et aux vacances.
Enfin, une bonne résolution à prendre en 2025 peut être de faire le tri dans ses abonnements sur les réseaux sociaux et même bannir certains mots clés de son fil d'actualités, conclut Mme Parent. «J'invite les gens à prendre action sur les contenus qu'ils suivent».
Caroline Chatelard, La Presse Canadienne