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Le tribunal ordonne à Ottawa de refaire ses devoirs sur le glyphosate

durée 14h58
20 février 2025
La Presse Canadienne, 2024
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3 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — La Cour fédérale ordonne à Ottawa de réévaluer l'homologation qu'il avait donnée en 2022 du populaire herbicide glyphosate, parce que Santé Canada n'a pas procédé a un «examen raisonnable» de nouvelles données scientifiques.

Dans une décision rendue mardi, le juge Russell Zinn donne à Santé Canada six mois pour réévaluer les risques pour la santé du glyphosate, l’ingrédient pesticide le plus utilisé au Canada.

Le juge a estimé que l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada n’avait pas réussi à démontrer au tribunal qu’elle avait pris en compte de nouvelles preuves scientifiques identifiant des risques nouveaux ou élevés associés à cet herbicide lors du renouvellement de l’homologation d’un produit qui contient cet ingrédient.

Le glyphosate est sur le marché depuis les années 1970 et se trouve dans plus de 169 produits antiparasitaires vendus au Canada, dont le «Roundup». Les agriculteurs l’utilisent pour empêcher les mauvaises herbes de pousser dans leurs champs.

La société Bayer, qui fabrique le «Roundup» par l’intermédiaire de sa filiale Monsanto, a fait l’objet de multiples poursuites aux États-Unis de la part d’Américains qui affirment que l’herbicide a causé chez eux un cancer. De nombreuses poursuites ont abouti à des indemnités de plusieurs millions de dollars pour les plaignants, tandis que d’autres ont été annulées en appel.

La Cour suprême des États-Unis a refusé d'entendre l'appel de Bayer dans une affaire, bien que l'entreprise puisse continuer à faire appel si des tribunaux inférieurs se prononcent contre elle. En juillet 2024, l'entreprise faisait encore face à environ 58 000 réclamations.

L'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA) a signalé en 2020 que les utilisations actuelles de l'herbicide ne présentaient aucun risque pour la santé humaine, mais son évaluation a été annulée par la Cour d'appel des États-Unis pour le neuvième circuit. L'EPA n'a pas encore fourni de réévaluation du glyphosate.

L'Europe a interdit certaines formulations de produits à base de glyphosate et interdit son utilisation avant la récolte. Le Canada n'a pas interdit ces produits et autorise toujours les agriculteurs à utiliser des produits à base de glyphosate avant la récolte.

61 nouvelles études

En août 2022, Santé Canada était en train de renouveler l'homologation d'un produit appelé «Mad Dog Plus», qui contient du glyphosate. En vertu de la loi, le ministère peut approuver automatiquement le renouvellement de l’homologation d’un produit à condition qu'il soit demeuré sensiblement le même et qu’aucune nouvelle preuve de risques associés aux ingrédients ne soit présentée.

Mais au cours du processus de renouvellement, quatre organismes environnementaux, dont Les Amis de la Terre Canada et la Fondation David-Suzuki, avaient présenté à Santé Canada 61 nouvelles études scientifiques identifiant des risques nouveaux ou accrus associés au glyphosate.

Bien que la décision de la Cour fédérale n'aborde pas sur le fond les risques pour la santé du glyphosate, le juge Zinn estime que l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada n’a pas réussi à démontrer qu’elle avait évalué ou même pris en considération les nouvelles études scientifiques soumises par les organismes. Le juge conclut donc que Santé Canada n'a pas procédé dans ce dossier à un «examen raisonnable» des nouvelles données.

Le juge Zinn n’annule pas l’approbation de l’homologation de «Mad Dog»: il souligne que le fabricant n'est pas responsable de cette situation et que le refus d’homologation par Ottawa lui causerait un préjudice. Le magistrat accorde plutôt à Santé Canada six mois pour examiner les nouvelles études et prouver qu’il les a prises en compte dans sa décision.

Santé Canada a réévalué le glyphosate pour la dernière fois entre 2004 et 2017, et a conclu que lorsque les produits sont utilisés conformément au mode d’emploi, «ils ne présenteraient aucun risque préoccupant» pour la santé humaine ou pour l’environnement.

«La décision [du tribunal] confirme vraiment que Santé Canada a l’obligation de se tenir au courant des avancées scientifiques, et qu’il devra faire preuve de transparence dans la manière dont il aborde ces nouvelles avancées scientifiques», a estimé Laura Bowman, avocate au sein de l'organisme Ecojustice, l’un des groupes environnementaux qui avaient demandé le contrôle judiciaire du renouvellement de l'homologation.

«Auparavant, le public ne pouvait voir que tous les 20 ou 25 ans ce que [Santé Canada] pensait des nouvelles découvertes scientifiques, alors que maintenant, [Ottawa] devra en tenir compte plus régulièrement.»

Nick Murray, La Presse Canadienne