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Le PL81 permettrait d'autoriser plus rapidement des projets d'Hydro-Québec

durée 16h51
28 janvier 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

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Par La Presse Canadienne, 2024

Les consultations publiques sur le projet de loi 81, qui vise à modifier huit lois sous la responsabilité du ministère de l’Environnement, ont débuté mardi à Québec. Le PL81 vise notamment à réduire les délais pour les autorisations environnementales de certains projets de transition énergétique, comme des projets d’hydroélectricité, ce qui préoccupe le Centre québécois du droit à l’environnement.

Le PL81 propose que le ministre de l’Environnement puisse donner son accord au début des travaux d’un projet avant que celui-ci obtienne les autorisations environnementales, lorsque le «projet d’un ministère participe à l’atteinte des cibles gouvernementales en matière de lutte contre les changements climatiques ou relatives aux objectifs de la transition énergétique».

Plus précisément, la future loi accorderait au gouvernement «le pouvoir de décider que certains travaux préalables» de projets majeurs pourraient être autorisés sans être assujettis à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts environnementaux (PEEIE).

La PEEIE est la démarche qui mène à une audience du BAPE (Bureau d’audiences publiques sur l’environnement).

Hydro-Québec salue ces initiatives, et pour sa vice-présidente exécutive, Claudine Bouchard, obtenir l’autorisation de débuter «certains travaux préalables» permettrait de devancer l’échéancier de certains projets de «12 à 18 mois».

Lors des audiences publiques mardi matin, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, a demandé à la représentante d’Hydro-Québec de donner des exemples de ce que pourraient être des «travaux préalables».

Claudine Bouchard a cité la construction de routes, ou l’aménagement de campements pour les travailleurs qui doivent construire une centrale électrique.

«Il faut réduire le nombre d'autorisations et les délais pour chacune des étapes des projets» et «revoir le processus afin qu'il soit plus prévisible et centré sur les enjeux et les risques importants», a-t-elle ajouté.

«Soyons clairs ici, nous ne voulons pas être moins rigoureux ni nous soustraire aux exigences environnementales et d'acceptabilité sociale. Mais il faut améliorer nos façons de faire si on veut réussir la transition énergétique du Québec», a ajouté la vice‑présidente exécutive et cheffe de l'exploitation et des infrastructures d'Hydro‑Québec.

Un autre représentant d’Hydro-Québec a fait valoir que les projets «dont les impacts et enjeux sont bien connus et maîtrisés devraient être exemptés des procédures» qui mènent à un examen du BAPE.

«Les projets de postes électriques sont des candidats à une exemption», a fait valoir Mathieu Bollulo, directeur principal des projets de production d'Hydro-Québec.

La société d'État prévoit des « investissements de plus de 185 milliards $ d'ici 2035» et, selon Claudine Bouchard, «la simplification des processus d’autorisation de projets» est conditionnelle à la réussite du plan d’action 2035 d’Hydro-Québec.

«Le volume de projets nécessaires à la transition énergétique est appelé à augmenter significativement. Il est donc essentiel d'optimiser la procédure et qu'elle soit privilégiée pour des projets dont les impacts anticipés sont importants», a ajouté la vice-présidente exécutive.

De sérieuses préoccupations

Le projet de loi de 68 pages indique que le gouvernement pourrait autoriser «certains travaux préalables» sans les assujettir au PEEIE lorsque l’intérêt public le justifie et lorsque celui qui initie le projet démontre que «l’encadrement indépendant des travaux ne compromet pas la protection de l’environnement, de la santé, de la sécurité, du bien-être ou du confort humain».

Le Centre québécois du droit à l’environnement (CQDE) a exprimé de «sérieuses préoccupations à l’égard de cette proposition qui constitue une forme de dérogation à la PEEIE».

Selon le groupe de juristes, autoriser des travaux préalables avant l’évaluation intégrale d’un projet contrevient au principe de précaution et constitue une pratique incompatible avec la prise en compte des impacts cumulatifs d'un projet.

«On considère que c'est une entorse au principe de prévention environnementale sur lequel repose le socle législatif québécois depuis 1992», a indiqué, lors des audiences publiques, Geneviève Paul, directrice générale du CQDE.

De plus, cette approche risque de miner la confiance du public envers le processus d’évaluation, «en les appelant à se prononcer sur l’acceptabilité d’un projet dont une partie des travaux aurait déjà été autorisée».

Geneviève Paul a ajouté que «le message que ça envoie à la population, c'est que le projet serait déjà politiquement autorisé avant même que les impacts aient pu être pleinement considérés et ça rend, à notre avis bien sûr, le refus éventuel d'un projet plus difficile à concevoir».

Le CQDE est aussi d’avis que «la notion d’intérêt public variera inévitablement d’un décideur à l’autre, influencée par des considérations sociales, économiques et politiques» et qu’une discrétion «encadrée par des balises aussi larges et imprécises est source d’imprévisibilité et rend le contrôle des décisions gouvernementales quasi impossible».

Ce projet de loi modifierait les évaluations environnementales, la conservation des milieux naturels et des espèces en situation précaire, mais introduirait aussi de nouvelles règles sur la vente de véhicules lourds et modifierait également la cohabitation des règlements provinciaux et municipaux en matière d’environnement.

Bien que le projet de loi 81 contienne des dispositions intéressantes selon le CQDE, dans son ensemble, il ne permet pas de protéger davantage l'environnement.

«Les connaissances scientifiques exigent des actions urgentes ambitieuses, on le sait, pour changer de cap au moment où on est en train d'atteindre les points de rupture qui pourraient détruire les systèmes dont notre vie dépend. Donc ça demande plus d'encadrement, alors que là, on est devant plusieurs dispositions législatives qui viennent au contraire, à notre avis, créer de nouvelles brèches pour assouplir et affaiblir encore davantage le cadre de protection existant», a affirmé Geneviève Paul.

Les audiences publiques sur le projet de loi 81 se poursuivent mercredi. La Commission des transports et de l'environnement se penchera notamment sur les émissions des gros véhicules.

Le projet de loi 81 obligerait les constructeurs à vendre des véhicules lourds zéro émission, à l’instar de ce qui existe déjà pour les manufacturiers de véhicules automobiles.

Stéphane Blais, La Presse Canadienne