Le Canada attendait des «opportunités» aux É.-U. peu importe le gagnant des élections
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Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — À l’approche de l’élection présidentielle américaine, les responsables canadiens envisageaient de nouvelles possibilités de coopération avec leur voisin du Sud en matière d’énergie nucléaire, de sécurité de la chaîne d’approvisionnement et de technologies de captage du carbone, peu importe qui remporterait l’élection, comme le montrent des notes de service du gouvernement récemment publiées.
Plusieurs mois avant que les Américains ne se rendent aux urnes, une note interne d’Affaires mondiales Canada soulignait l’objectif de garantir que la relation du Canada avec les États-Unis «sera non seulement maintenue, mais élargie et approfondie au cours des années à venir, quel que soit le résultat des élections plus tard cette année».
Les notes, obtenues par La Presse Canadienne grâce à la Loi sur l’accès à l’information, donnent un aperçu de la stratégie fédérale pour non seulement résister à ce qui promettait d’être un tournant pour son plus proche allié, mais aussi en tirer profit.
Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé en janvier que le ministre de l'Industrie, François-Philippe Champagne, et la ministre du Commerce, Mary Ng, travailleraient avec Kirsten Hillman, ambassadrice à Washington, pour mettre en œuvre une approche d'«Équipe Canada» afin de promouvoir et de défendre les intérêts du pays auprès des États-Unis.
«Nous avons intérêt à consolider les progrès réalisés depuis 2020 et nous nous préparons à toutes les éventualités», indique une note d'information préparée à la fin du mois de janvier.
La note précise que le processus de préparation du Canada soutiendrait l'engagement des ministres au niveau fédéral et des États à établir un vaste réseau de contacts aux États-Unis afin d'assurer «une meilleure compréhension et une meilleure influence». Les tactiques comprendraient également la défense «de l'autre côté de l'allée» des priorités canadiennes afin de sensibiliser le public.
En effet, Mme Hillman a déclaré à la fin du mois d'août qu'elle, M. Champagne et Mme Ng avaient rendu visite à des dizaines de gouverneurs, ainsi qu'à des maires, des sénateurs, des responsables du commerce, des dirigeants d'entreprise et des groupes syndicaux.
À l'époque, l'issue des élections américaines était loin d'être certaine.
Depuis son élection à la présidence en novembre, Donald Trump a secoué la cage politique canadienne en menaçant d'imposer un tarif de 25 % sur les biens entrant aux États-Unis à moins que le Canada n'en fasse plus pour renforcer la frontière.
Préparer le terrain à l'international
Les notes internes montrent que les responsables du ministère canadien des Affaires étrangères préparaient discrètement le terrain au niveau international au début de cette année pour aider à gérer une éventuelle victoire de M. Trump.
«Nous devons rester vigilants et prêts à réagir rapidement si les politiques d'une nouvelle administration ont un impact sur nos intérêts», peut-on lire dans les notes préparées par le ministère pour une réunion de fin mars sur les relations canado-américaines avec l'ambassadeur d'Allemagne au Canada.
La note indiquait que les responsables surveillaient les domaines dans lesquels il pourrait y avoir un changement de politique, y compris l'approche américaine à l'égard des organisations multilatérales, telles que l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et le G7.
«Grâce à des interactions de haut niveau et à notre réseau de missions, nous sommes engagés dans un plaidoyer à travers l'éventail politique aux États-Unis pour renforcer le soutien à ces intérêts communs.»
Les notes ont également soulevé la question de savoir si l'Allemagne et la France, qui ont cocréé une alliance pour le multilatéralisme en soutien au système fondé sur des règles pendant la première présidence de M. Trump, poursuivraient quelque chose de similaire à l'avenir.
Une note rédigée en prévision d'un dîner de travail en mai entre des responsables canadiens et de l'Union européenne a noté l'intérêt de travailler ensemble sur des questions qui pourraient survenir sous une nouvelle administration américaine, notamment le changement climatique, l'OTAN, l'Ukraine et les politiques industrielles et commerciales.
«Nous croyons en l'importance d'avoir des États-Unis forts, unis et engagés dans le système mondial», souligne la note.
Les responsables d'Affaires mondiales ont également posé des questions à Derek Burney, ambassadeur du Canada aux États-Unis de 1989 à 1993, avant un discours prévu en mai devant le personnel.
Parmi elles : Comment le Canada peut-il renforcer sa valeur en tant qu'allié clé ? Quelle devrait être la prochaine grande orientation politique pour les relations bilatérales ? Où y a-t-il une marge d'amélioration dans l'accord commercial entre le Canada, les États-Unis et le Mexique ?
Une autre note interne affirmait que les élections américaines se déroulaient «dans un contexte de polarisation sans précédent», compte tenu des visions radicalement différentes de l’Amérique détenues par les républicains et les démocrates sur diverses questions.
«Le Canada adopte une voie délibérée et proactive pour se préparer à l’éventail des résultats électoraux potentiels aux États-Unis», indique la note non datée.
«Quel que soit le résultat, l’élection pourrait également offrir de nouvelles opportunités pour le Canada aux États-Unis. Cela comprend la coopération en matière d’énergie nucléaire, de sécurité de la chaîne d’approvisionnement et de technologies de capture du carbone, entre autres.»
Les responsables canadiens ont également passé au peigne fin les médias américains pour répertorier les actions attendues d’une «administration Trump 2.0» en matière d’immigration, de la suspension du programme américain pour les réfugiés ainsi que de la construction de centres de détention pour accélérer le rythme et le volume des expulsions.
Jim Bronskill, La Presse Canadienne