La fin de la «taxe carbone» fera baisser le prix de l'essence, mais pas au Québec


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Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — Le retrait de la taxe fédérale sur les combustibles, annoncée par le gouvernement du nouveau premier ministre Mark Carney, devrait entraîner une baisse du prix de l'essence au pays. Mais puisque le Québec n'utilise pas le système fédéral de tarification du carbone, il pourrait ne pas tirer profit de cette diminution des prix à la pompe.
Seulement quelques heures après son assermentation, M. Carney a signé un décret qui ramènera à zéro la tarification du carbone pour les consommateurs à compter du 1er avril.
Selon une nouvelle étude économique de Desjardins, le retrait du prix fédéral de la pollution réduira le coût du litre d'essence d'environ 18 cents le 1er avril dans les provinces où il est appliqué. Pour remplir un réservoir de 50 litres, cela équivaut à une économie de 9 $.
D'après les calculs de Desjardins, le prix moyen de l’essence au Canada tombera ainsi à 1,44 $ le litre le 1er avril, au lieu de 1,56 $.
La tarification fédérale du carbone pour les consommateurs est en vigueur dans toutes les provinces et tous les territoires, à l'exception du Québec, de la Colombie-Britannique et des Territoires du Nord-Ouest, qui possèdent leurs propres systèmes.
La Colombie-Britannique a annoncé son intention de supprimer sa tarification provinciale du carbone à la consommation à la suite de l'annonce de M. Carney, ce qui fait en sorte que le Québec pourrait être la seule province où le coût du litre d'essence ne diminuera pas le mois prochain.
Des impacts indirects
Malgré tout, le Québec pourrait bénéficier des avantages indirects de la fin de la «taxe carbone» pour les consommateurs.
Même si l'effet ne sera pas aussi immédiat, Desjardins prévoit que les Canadiens verront l'inflation ralentir graduellement à l'épicerie, car la baisse des prix de l'essence fera diminuer les coûts de transport, ce qui va se répercuter sur le prix des aliments.
L'étude de Desjardins suggère aussi que la fin de la tarification du carbone pour les consommateurs fera baisser l'inflation globale au cours de la prochaine année, ce qui pourrait donner à la Banque du Canada une marge de manœuvre pour réduire les taux d'intérêt et soutenir l'économie canadienne pendant la guerre commerciale avec les États-Unis.
Tu Nguyen, économiste chez RSM, souligne que, tout comme la tarification du carbone à la consommation a mis du temps à augmenter, il faudra peut-être un certain temps aux Canadiens pour constater l'impact de son absence sur les prix qu'ils paient.
Le prix de l'essence, par exemple, dépend non seulement de la politique fiscale gouvernementale, mais aussi des prix fixés à l'échelle mondiale, qui sont aussi influencés par l'évolution de la demande et les interruptions de production.
«Ces facteurs auront probablement un impact global plus important sur le prix de l'essence que la taxe sur le carbone», soutient Mme Nguyen.
Le spectre de la guerre commerciale
Le rapport de Desjardins prévoit qu'en l'absence de la tarification fédérale du carbone pour les consommateurs, l'inflation en avril sera inférieure de 0,7 % à ce qu'elle aurait été autrement.
Cela devrait ramener le taux d'inflation annuel à 2,1 %. Les données sur l'inflation en février, publiées mardi, ont montré un bond de l'inflation à 2,6 %, principalement en raison de la fin du congé de TPS accordé par Ottawa pour la période des Fêtes et le début de l'hiver.
Selon l'économiste en chef adjoint de Desjardins, Randall Bartlett, l'inflation devrait continuer de ralentir au même rythme pendant environ un an, ce qui pourrait «compenser» la pression à la hausse exercée sur l'inflation par les droits de douane de rétorsion imposés par le Canada et par la faiblesse du dollar canadien, qui font grimper les prix à l'importation.
Mme Nguyen, pour sa part, pense que la flambée des prix à venir pendant la bataille tarifaire «l'emportera» sur l'impact du retrait de la «taxe carbone» pour les consommateurs. Elle note que les prix des denrées périssables à l'épicerie vont augmenter en premier, suivis par ceux des appareils électroménagers et des autres biens durables.
Desjardins avait prévu que l'inflation dépasserait 3 % d'ici la fin de 2025. Sans la tarification fédérale du carbone à la consommation, elle prévoit maintenant une inflation d'environ 2,5 % à la fin de l'année.
La semaine dernière, après avoir annoncé une nouvelle baisse du taux directeur, le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a suggéré que, si la politique monétaire pouvait atténuer les effets de la guerre commerciale, la banque centrale restait concentrée sur la maîtrise de l'inflation.
Une baisse du taux d'inflation à court terme, liée à la fin de la tarification fédérale du carbone à la consommation, pourrait donner à la Banque du Canada une plus grande marge de manœuvre pour réagir aux chocs économiques, tout en se souciant moins de l'inflation, selon M. Bartlett.
— Avec des informations de Craig Lord
La Presse Canadienne