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L'influence de la politique étangère de Donald Trump sur le Canada en 7 points

durée 08h15
31 janvier 2025
La Presse Canadienne, 2024
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7 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — Les changements amenés à la politique étrangère du président américain Donald Trump, qui prônent «l'Amérique d'abord», pourraient avoir des conséquences draconiennes sur l'approche du Canada en matière d'aide, de commerce, de renseignement et de diplomatie.

David Perry, président de l'Institut canadien des affaires mondiales, a déclaré que, même si les implications du changement de politique à Washington sont encore en cours d'évaluation, il est clair qu'Ottawa devra dépenser davantage et agir rapidement pour défendre ses intérêts.

«Nous devons être capables d'agir vite, pas seulement d'annoncer des choses rapidement», a-t-il soutenu.

Voici sept façons dont l'approche du Canada à l'égard du monde – et sa place dans celui-ci – pourrait changer au cours de la deuxième présidence Trump:

1. L'aide internationale

Donald Trump a ordonné un gel de 90 jours de l'aide étrangère afin de déterminer lesquels des milliers de programmes humanitaires, de développement et de sécurité des États-Unis continueront à bénéficier d'un financement fédéral.

«Nous éliminons le gaspillage. Nous bloquons les programmes wokes. Et nous dénonçons les activités qui vont à l’encontre de nos intérêts nationaux», indique un communiqué de presse publié lundi par le département d’État américain, qui visait les programmes finançant l’avortement.

Donald Trump a retiré les États-Unis de l’Organisation mondiale de la Santé, qui aide à surveiller les pandémies émergentes et finance des projets pour les prévenir.

M. Perry a déclaré qu’avec le retrait des États-Unis des agences des Nations unies et de certains programmes d’aide, les États autoritaires comme la Chine sont susceptibles de combler le vide et d’avoir plus d’influence sur la façon dont le monde répond aux problèmes urgents.

Cela pourrait encore plus saper l’ordre international fondé sur des règles qu’Ottawa s’est efforcé de consolider au fil des ans.

2. Les réfugiés

Fen Osler Hampson, professeur à l’Université Carleton et président du Conseil mondial pour les réfugiés et les migrations, souligne que l’administration Trump «ferme essentiellement la frontière américano-mexicaine» aux demandes d’asile tout en intensifiant les descentes et les vols d’expulsion.

Il croit que cela aura un «un effet en cascade» sur le Canada à un moment où les guerres et le changement climatique ont poussé le nombre de personnes déplacées dans le monde à un niveau record.

Les avocats spécialisés en immigration ont averti que les politiques de M. Trump pourraient invalider l'Accord sur les tiers pays sûrs, un pacte entre le Canada et les États-Unis qui bloque la plupart des demandes d'asile des personnes quittant les États-Unis en supposant que les États-Unis sont un pays «sûr» pour les migrants.

M. Hampson a déclaré que certains demandeurs d'asile tenteront de traverser la frontière vers le Canada, tandis que les agences mondiales pourraient demander au Canada de réinstaller davantage de réfugiés – alors même que le gouvernement fédéral s'efforce de freiner l'immigration pour atténuer la crise du logement.

Selon M. Hampson, Donald Trump pourrait mettre fin aux programmes lancés par l'administration Biden qui ont promu des réformes de gouvernance et la création d'emplois dans les pays d'Amérique centrale pour décourager les gens de fuir vers les États-Unis.

Les dirigeants d'Haïti affirment que les expulsions et les réductions de l'aide américaine pourraient être «catastrophiques» et alimenter davantage la violence des gangs qui a poussé des milliers d'Haïtiens à fuir leur foyer.

3. Féminisme et égalité

Les libéraux fédéraux ont adopté une politique étrangère féministe et se sont appuyés sur le plan d’action national du gouvernement Harper pour les femmes, la paix et la sécurité, qui promeut l’égalité des sexes dans les forces armées du monde entier et la prévention de la violence sexuelle.

L’administration Trump est déterminée à mettre fin aux politiques de diversité, d’équité et d’inclusion. M. Hampson estime que le président pourrait considérer la promotion de ces causes par le Canada comme un irritant.

M. Perry avance que cela pourrait affecter l’issue du sommet du G7 en juin, dont le Canada est l’hôte. Donald Trump a été invité. Le communiqué du G7 de l’année dernière comprenait des clauses sur l’égalité des sexes, les handicaps, le changement climatique et la couverture médicale universelle.

«J’ai du mal à imaginer que l’administration américaine serait désireuse de signer une déclaration qui ressemble à cela», a indiqué M. Perry.

4. Diversification du commerce

Le Canada fait face à «un règlement de comptes national et mondial avec Trump», selon M. Hampson – qui lui donne un choix entre des liens économiques plus étroits avec les États-Unis et une perte d’indépendance, ou une poussée pour intensifier le commerce avec les pays d’Europe et de la ceinture du Pacifique.

Le député conservateur Randy Hoback a écrit dans son bulletin d'information Substack que le gouvernement Harper avait tenté, avec un succès limité, d'inciter les entreprises canadiennes à profiter des accords commerciaux qu'Ottawa a signés avec de nombreux pays.

«Les entreprises canadiennes ont une occasion unique de réduire notre dépendance quasi étouffante envers les États-Unis, et les années à venir pourraient être le moment idéal», a-t-il écrit le 14 janvier.

David Perry a déclaré que c'était une tâche difficile.

«La réalité canadienne, essentiellement depuis (la naissance du pays), a été une série de tentatives, qui ont largement échoué ou n'ont pas été couronnées de succès, de diversifier nos liens hors des États-Unis, que ce soit dans un contexte de sécurité ou dans un contexte économique», a-t-il expliqué.

Mais la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly a déclaré lundi que l'accord commercial du Canada avec l'Union européenne est «très important et fait partie de notre vision de diversification de nos marchés».

5. Les renseignements

En tant que membre de l'alliance de renseignement Five Eyes (Groupe des cinq), le Canada pourrait avoir besoin de combler les lacunes dans les rapports américains, selon un récent épisode de la baladodiffusion Secure Line de l'Association canadienne pour les études de renseignement et de sécurité.

Jessica Davis, responsable d’Insight Threat Intelligence, a déclaré qu’une grande partie du travail de lutte contre le terrorisme au Canada est motivée par des pistes américaines. «Nos partenaires américains signalent souvent aux autorités canadiennes des individus qui pourraient agir au Canada», a-t-elle indiqué dans l’épisode diffusé le 26 janvier.

M. Davis s’attend à ce que la présidence Trump amène les agences de renseignement américaines à se concentrer moins sur la menace de l’extrémisme idéologique violent, malgré la montée des groupes d’extrême droite.

«Je pense que nous allons voir beaucoup moins de pistes d’identification de la part de nos homologues américains, donc les autorités canadiennes vont devoir assumer davantage cette responsabilité», a-t-elle déclaré.

Elle a ajouté que si les renseignements sont souvent partagés automatiquement entre les partenaires du Groupe des cinq, les renseignements humains – rapports d’espions, d’informateurs et d’attachés militaires – sont «diffusés en fonction de qui a besoin de savoir». Le flux de renseignements de Washington à Ottawa, a-t-elle dit, pourrait varier selon la perception de M. Trump de ce qui constitue une menace légitime.

Selon Thomas Juneau, expert en sécurité nationale à l'Université d'Ottawa, les partisans de Donald Trump, comme Kash Patel, candidat à la tête du FBI, et Tulsi Gabbard, candidate à la direction du renseignement national, sont «beaucoup plus fous cette fois-ci» que ceux de sa première administration.

Cela pourrait influencer la manière dont les États-Unis recueillent et utilisent les renseignements, selon M. Juneau.

6. L'Ukraine

Alors que le premier ministre Justin Trudeau a fait du soutien à l'Ukraine une pierre angulaire de la politique étrangère canadienne, M. Trump s'est montré ambivalent sur la façon dont il souhaite que la guerre se termine.

La semaine dernière, le président Trump a déclaré que la Russie déciderait quand la guerre se terminerait, et a également menacé de sanctions dommageables contre la Russie si elle ne mettait pas fin aux combats.

«L'Ukraine est en ce moment un bouchon flottant dans un océan de confusion», a indiqué M. Hampson.

Il a affirmé que le Canada pourrait intensifier sa campagne actuelle pour amener les pays à saisir les actifs et les avoirs bancaires russes en Europe et à utiliser les revenus pour la défense de l'Ukraine, en particulier si les États-Unis arrêtent ou ralentissent leur financement.

«Nous avons une très grande diaspora ukrainienne qui ne veut pas que l'on se ramollisse face à l’Ukraine. Mais sans le soutien américain, en particulier militaire, personne ne peut vraiment prendre le relais», a indiqué M. Hampson.

7. Les dépenses de sécurité

Donald Trump a récemment appelé les membres de l’alliance militaire de l’OTAN à consacrer au moins l’équivalent de 5 % du produit intérieur brut national à la défense – comparativement à la ligne directrice de 2 % fixée par l’OTAN en 2014.

Le Canada n’a jamais atteint cet objectif initial et M. Perry croit qu’il n’existe toujours pas de plan crédible pour y parvenir, malgré le fait que les libéraux disent vouloir atteindre l’objectif en 2032, voire 2027.

Il a déclaré que les réflexions de M. Trump sur un objectif de 5 % – un objectif que même les États-Unis n’atteignent pas – sont «en partie des fanfaronnades», mais ne devraient pas détourner l’attention de la nécessité pour les alliés de l’OTAN de dépenser davantage pour leur défense.

«Nous avons été et sommes toujours trop dépendants du parapluie sécuritaire américain», a indiqué M. Perry, ajoutant que la patience des alliés face au sous-financement de la défense canadienne s'est émoussée.

Fen Osler Hampson a souligné que les demandes de l'OTAN pour que les États membres dépensent davantage pour la défense surviennent alors que M. Trump exprime «des ambitions impériales du XXIe siècle» de faire du Canada un État américain, un objectif qu'il a répété la semaine dernière au Forum économique mondial.

«C'est peut-être une blague la première fois, a soulevé M. Hampson. Lorsqu'il le dit à un forum international à Davos, cela signifie qu'il a quelque chose dans sa manche.»

Dylan Robertson, La Presse Canadienne