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L'armée canadienne priée de régler le problème de la suprématie blanche en son sein

durée 15h48
3 mars 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

EDMONTON — Un analyste de l’Alberta, à qui l’armée a demandé d’étudier la suprématie blanche dans ses rangs, affirme que si elle ne veut pas que le problème prenne racine, elle devrait prendre des mesures contre une culture qui lui donne de la place pour se développer.

Le politologue Andy Knight affirme que ses recherches suggèrent que les attitudes actuelles au sein des forces armées favorisent les cultures blanches, masculines et chrétiennes et désavantagent des groupes comme les femmes, les personnes de couleur, les nouveaux arrivants et la communauté 2ELGBTQ+.

«Il s’agit d’un problème historique de longue date qui a à voir avec l’état d’esprit de l’armée sur qui devrait être dans l’armée et comment ces personnes seront traitées une fois qu’elles y seront», a déclaré M. Knight dans une entrevue.

«C’est en quelque sorte un signal d’alarme pour l’armée (…) elle devrait faire quelque chose pour régler ce problème avant qu’il ne devienne incontrôlable.»

M. Knight, de l’Université de l’Alberta, doit rencontrer des responsables de la défense et de l’armée à Ottawa pour discuter de ses conclusions et de ses recommandations.

Ils doivent travailler à partir d'un rapport qu’il a rédigé après avoir soumis une proposition au ministère de la Défense nationale pour étudier la suprématie blanche dans l’armée.

Cette proposition fait suite à un rapport de 2022 rédigé par un groupe de membres retraités des Forces armées qui concluait que les efforts déployés pour empêcher les suprémacistes blancs et autres extrémistes violents d'infiltrer les rangs étaient insuffisants.

Il a déclaré que la recherche est devenue d'autant plus intrigante après qu'il a été révélé que certains membres de l'armée étaient impliqués dans les manifestations du «convoi de la liberté» de 2022 contre les règles liées à la COVID-19 qui ont paralysé une grande partie du centre-ville d'Ottawa pendant des semaines.

Un ancien réserviste du Manitoba, Patrik Mathews, a également été condamné en 2021 à neuf ans de prison aux États-Unis pour son rôle dans ce que le FBI a qualifié de complot violent visant à déclencher une «guerre raciale».

L’étude de M. Knight, fondée sur des entretiens avec des soldats actuels et anciens ainsi que sur des recherches universitaires et des reportages dans les médias, met en évidence une présence croissante de sentiments anti-noirs, antisémites et xénophobes.

Cela commence généralement au moment du recrutement, indique le rapport, car l’armée se concentre sur le recrutement dans les zones rurales qui peuvent avoir une diversité limitée. Il note qu’environ 90 % des soldats sont des hommes blancs, créant un environnement où les croyances suprémacistes peuvent s’épanouir.

«Parce que le personnel blanc continue de former une majorité démographique, les recrues blanches ont tendance à trouver un sentiment d’appartenance et à rester», indique le rapport.

«Tuer des personnes de couleur et des Noirs»

Le rapport ajoute que certaines recrues peuvent déjà avoir des opinions marginales sur des sujets comme la race, la religion, l’immigration, le genre et la sexualité. Les opinions se propagent souvent par le biais des médias sociaux et en créant des liens de camaraderie, parfois hors de vue des dirigeants.

«Un individu faisait partie d’une unité avec des hommes qui ont dit qu’ils étaient venus dans l’armée pour apprendre à utiliser l’armée pour tuer des personnes de couleur et des Noirs», a déclaré le politologue.

Le rapport indique également que les groupes défavorisés qui répondent à l’appel au service peuvent être confrontés à un déséquilibre de pouvoir, ce qui amène certains à craindre que les plaintes pour discrimination soient écartées.

Certains soldats ont décrit les dirigeants comme fermant subtilement les yeux sur les idéologies suprémacistes.

Un ancien soldat a été jugé «inapte» à des rôles de leadership pour ne pas s’être conformé à la culture militaire qui allait à l’encontre de ses croyances religieuses.

Un autre a été signalé absent pour avoir prié pendant le ramadan malgré la permission des dirigeants.

Le rapport aborde également le déséquilibre entre les sexes, une recrue racontant qu’elle a été forcée de se déshabiller devant un instructeur pendant qu’un collègue se changeait dans l’intimité d’une tente.

«En conséquence, de nombreuses personnes qualifiées quittent ou sont dissuadées de rejoindre les FAC malgré leur désir sincère de servir», indique le rapport. Les Forces canadiennes sont confrontées à un déficit de près de 10 000 personnes.

L’étude indique que l’armée s’efforce de lutter contre les comportements discriminatoires, mais qu’il reste encore beaucoup à faire.

Le ministre de la Défense Bill Blair a déclaré que la lutte contre les préjugés et la discrimination exige une action continue et implacable et que le racisme dans les Forces armées érode la cohésion d’une armée efficace.

M. Knight a affirmé que la clé est de remodeler la culture militaire pour accueillir ceux qui ont été historiquement exclus.

Il suggère un filtrage rigoureux du recrutement pour empêcher les extrémistes de rejoindre les rangs. Il recommande également une tolérance zéro à l’égard de l’extrémisme et une formation pour les officiers supérieurs afin qu’ils reconnaissent les signes de la suprématie blanche, souvent codés dans des symboles, des slogans et des images.

Un ancien soldat qui a participé à l’étude a déclaré que la refonte de la culture militaire est cruciale, car c’est la seule institution ayant un «permis de tuer».

«Nous devons la garder aussi propre que possible», a indiqué le soldat.

Aaron Sousa, La Presse Canadienne