L'argent ne pousse pas dans les arbres, mais un groupe veut faire estimer leur valeur
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Par La Presse Canadienne, 2024
HALIFAX — Un groupe de réflexion sur les changements climatiques a publié un guide encourageant les municipalités à attribuer une valeur monétaire précise aux actifs naturels, allant des zones humides aux dunes côtières.
Le Centre Intact d'adaptation au climat de l'Université de Waterloo a publié mercredi son guide «Inscrire la nature dans les rapports financiers». L'autrice principale, Joanna Eyquem, affirme que l'attribution de valeurs aux actifs naturels donne aux planificateurs municipaux des munitions lorsqu'ils doivent défendre la préservation de ces actifs.
«L'argent parle. La nature n'a pas son mot à dire dans les décisions économiques lorsqu'elle n'est pas explicitée en dollars», a jugé Mme Eyquem dans un courriel cette semaine. «N'ayant pas intégré la nature dans les rapports financiers, le Canada a déjà perdu plus de 70% des zones humides - et jusqu'à 98% (des zones humides) dans les secteurs densément peuplés», a-t-elle ajouté.
Le document, qui s'appuie sur des consultations menées auprès de 120 experts en comptabilité et dans d'autres domaines, indique que les milieux naturels, tels que les forêts et les zones humides «qui n'ont pas été achetées» par les gouvernements locaux, ne figurent actuellement pas dans les bilans municipaux. C'est parce que l'organisme national qui établit les normes comptables pour le secteur public n'a pas encore publié de normes communes pour leur évaluation, explique le rapport.
Le centre climatique a néanmoins constaté qu'environ 150 collectivités canadiennes identifient, évaluent et gèrent les actifs naturels pour les placer dans des registres distincts hors bilan. Le guide exhorte les autres à suivre leur exemple, en fournissant une liste de ressources pour les aider.
Les systèmes comptables en cours d'élaboration sont basés sur les «services fournis» par les lacs, les rivières, les zones humides, les marais côtiers, les sols, les forêts, les champs et les dunes qui pourraient autrement être considérés comme des propriétés stériles ou inutilisées, indique le rapport.
Le guide énumère également des projets de normes comptables que les municipalités peuvent utiliser pour commencer.
Dans une entrevue mardi, Mike Kennedy, le directeur financier de Rossland, en Colombie-Britannique, a déclaré que sa municipalité faisait partie de celles qui calculaient déjà la valeur en dollars d'un «inventaire des actifs naturels».
Il a indiqué que son équipe avait évalué les terres boisées sur les pentes qui entourent un réservoir construit par l'homme en fonction de leur valeur en matière de réduction de l'érosion et d'atténuation des inondations, ainsi que de leur utilisation récréative. La valeur totale annuelle des «services» associés aux zones forestières de la municipalité est actuellement fixée à 26 millions $, tandis que les zones humides sont évaluées à environ 2,8 millions $ par an.
Le travail est difficile, car les valeurs dépendent de l'emplacement spécifique du terrain, a-t-il déclaré. «Un terrain situé à deux endroits différents de notre ville pourrait fournir des évaluations très différentes.» Cependant, M. Kennedy a soutenu que les chiffres sont utiles pour la prise de décision municipale.
Il donne l'exemple hypothétique d'un projet de développement qui propose de construire sur des zones humides ou sur un terrain près d'un cours d'eau. Si une valeur en dollars est attribuée aux «services» de purification de l'eau fournis par ces zones, elle peut être mesurée par rapport au coût de la construction ou de l'agrandissement d'installations de filtration de l'eau pour obtenir le même avantage.
Définir les actifs
Le guide énumère aussi un certain nombre de termes que Mme Eyquem espère voir intégrer au langage comptable.
Les «biens et services écosystémiques» sont des produits obtenus à partir de l'écosystème, tels que la nourriture et l'eau douce, tandis que les «services de régulation et d'entretien» incluent la purification de l'eau et la régulation de la température.
De plus, chaque étape de l'évaluation est décrite dans le guide, en plus des méthodes que les agents financiers peuvent utiliser pour évaluer les actifs naturels; leur état, les services qu'ils fournissent et convertir ces données en un chiffre monétaire.
Jillian Prosser, spécialiste de l'adaptation climatique pour la ville de Calgary, travaille sur l'évaluation des actifs naturels depuis six ans. Elle a déclaré que les connaissances acquises dans les divulgations financières annuelles ont conduit son équipe à élaborer des plans pour améliorer et entretenir les forêts et les cours d'eau identifiés. Mme Prosser a ajouté dans une entrevue mardi que la ville commence à les inclure dans une «planification plus large de la gestion des actifs d'entreprise».
Elle s'est exprimée depuis le parc Ralph Klein, qu'elle considère comme un actif municipal qui aide à absorber et à traiter le ruissellement des eaux pluviales d'une zone industrielle dans l'est de la ville.
«Nous pensons qu'en incluant cette valeur, nous pouvons mieux comprendre les services qu'ils nous fournissent et reconnaître à quel point il est important d'investir dans ces endroits», a-t-elle déclaré.
Michael Tutton, La Presse Canadienne