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L'Arctique est devenue une «destination stratégique et vulnérable», prévient le SCRS

durée 11h56
5 mars 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — Le SCRS prévient que les événements mondiaux qui se succèdent font de l'Arctique une «destination attrayante, stratégique et vulnérable» pour les adversaires étrangers qui cherchent à établir une présence au Canada.

Une évaluation récemment publiée par le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) signale que l'environnement, les infrastructures essentielles, l'activité économique et la géopolitique sont des facteurs convergents qui rendent la région de l'Arctique vulnérable aux menaces extérieures.

Le SCRS considère les projets d'extraction de ressources, l'augmentation du trafic maritime, la construction de ports et la possible militarisation de l'Arctique comme des moyens que des acteurs malveillants pourraient utiliser pour prendre pied dans la région.

Une fois établis dans le Nord, les rivaux pourraient utiliser ces occasions pour «générer des possibilités d'influence et d'interférence substantielles», prévient le SCRS.

La Presse Canadienne a obtenu grâce à la Loi sur l'accès à l'information le dossier du SCRS produit en avril dernier sous forme d'infographie élaborée.

Il s'agit peut-être du compte rendu public le plus complet à ce jour des préoccupations du service de renseignement canadien concernant l'espionnage et l'influence étrangère malveillante dans l'Arctique.

La fonte des glaces due au changement climatique entraînera probablement une augmentation de la population dans l’Arctique, l’ouverture de nouvelles voies de navigation et une nouvelle exploitation des gisements minéraux, selon le rapport.

Les ressources naturelles, notamment les réserves de pétrole et de gaz, attirent les investissements étrangers, ce qui pourrait menacer les intérêts régionaux, prévient le SCRS.

«Les acteurs de la menace pourraient tirer parti de l’exploitation des ressources pour obtenir un accès permanent à des territoires éloignés et stratégiquement précieux.»

La Russie mais aussi la Chine

Le rapport du service d’espionnage souligne également que:

— la difficulté et le coût de la correction des vulnérabilités des systèmes de télécommunication cruciaux dans le Nord peuvent créer de graves risques de cybersécurité;

— les endroits propices à la construction de ports en eau profonde dans l’Arctique sont attrayants pour les acteurs étrangers qui cherchent à contrôler des emplacements de navigation stratégiques, et la création de ports d’entrée non officiels au Canada pourrait compromettre la sécurité des frontières;

— les adversaires pourraient faire des investissements substantiels, ostensiblement pour remédier aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement énergétique dans le Nord, mais «avec des motifs cachés»;

— la présence de forces armées d’États hostiles pourrait conduire à la militarisation de l’Arctique, provoquant des tensions géopolitiques susceptibles de déboucher sur un conflit.

Le SCRS affirme que chacun de ces points vulnérables pourrait être ciblé par un adversaire étranger ou aggravé par des activités bénignes dans la région.

«Quelle que soit l’intention derrière l’activité potentiellement nuisible pour l’Arctique et le nord du Canada, les répercussions pourraient être dévastatrices pour les habitants, l’écosystème, les biens et les intérêts du Canada dans le Nord et l’Arctique», indique le rapport.

L’importance économique et stratégique de l’Arctique n’a cessé de croître au cours des 15 dernières années, souligne la porte-parole du SCRS, Lindsay Sloane.

Les menaces qui pèsent sur l’Arctique proviennent non seulement des capacités militaires des concurrents stratégiques et des effets du changement climatique, mais aussi de plus en plus de l’espionnage, de l’ingérence étrangère et des activités économiques illicites, qui représentent toutes des dangers pour la sécurité nationale, a déclaré Mme Sloane.

En plus de la préoccupation militaire historique posée au Nord par la Russie, la Chine a accru son attention sur la région, a souligné Mme Sloane. «Le SCRS continue de détecter, de dissuader et de contrer les activités d’ingérence étrangère des États hostiles ciblant l’Arctique.»

Une base militaire à Iqaluit ?

Dans le plan de politique étrangère du Canada pour l'Arctique, publié à la fin de l'année dernière, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a déclaré que le Canada se trouvait à un point d'inflexion dans la région.

L'invasion de l'Ukraine par la Russie a rendu la coopération avec Moscou dans l'Arctique «extrêmement difficile dans un avenir prévisible», admettait la ministre Joly.

En même temps, les États non arctiques, dont la Chine, cherchent à accroître leur influence dans la gouvernance de l'Arctique, ce qui signifie que le Canada doit mettre l'accent sur la collaboration avec ses alliés dans la région, a-t-elle ajouté.

Le ministre de la Défense nationale, Bill Blair, sera à Iqaluit jeudi pour une annonce sur la présence des Forces armées canadiennes dans l'Arctique.

Le chef conservateur Pierre Poilievre a récemment proposé la construction d'une nouvelle base militaire à Iqaluit dans le cadre du plan de sécurité de son parti dans l'Arctique.

Le premier ministre du Nunavut, P.J. Akeeagok, a accueilli favorablement toute cette attention politique, mais il a rappelé que de telles décisions doivent impliquer une participation significative des habitants du Nord.

Le Nunavut a hâte de travailler avec le prochain premier ministre du Canada sur des investissements significatifs et constructifs pour la nation qui répondent aux objectifs de souveraineté et de sécurité dans l'Arctique, répondent aux engagements de dépenses de l'OTAN et libèrent le potentiel économique, a-t-il déclaré dans un communiqué le mois dernier.

«Le Nunavut s'engage à assurer la sécurité du Canada, y compris celle des habitants du Nord, et à préserver la capacité du Canada à défendre l'Arctique canadien et l'Amérique du Nord», a indiqué le premier ministre Akeeagok.

Mme Sloane soutient que le SCRS travaille en partenariat avec les gouvernements territoriaux, provinciaux, locaux et autochtones pour lutter contre toutes les activités menaçantes dans l'Arctique. «Cela comprend la fourniture d'informations pertinentes pour aider à renforcer la résilience face aux menaces actuelles et émergentes.»

Jim Bronskill, La Presse Canadienne