L'ancien ministre Lloyd Axworthy prône une refonte de la politique étrangère
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Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — L'ancien ministre libéral des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy, estime que l'approche actuelle d'Ottawa en matière de politique étrangère est dépassée.
«C'est peut-être une bonne chose que nous ayons des élections, car c'est maintenant l'occasion de changer», a déclaré M. Axworthy lors d'une table ronde organisée lundi par le Conseil international canadien.
«Si vous écoutez trop souvent la même chanson (…), cela devient un peu ennuyeux. Eh bien, ce n'est pas ennuyeux ici. C'est vraiment devenu toxique», a-t-il ajouté.
Le Canada doit tenir des élections cette année et M. Axworthy a avancé qu'il s'agissait d'une bonne occasion de ramener Ottawa à son rôle historique d'identifier les problèmes qui concernent plusieurs pays et de trouver des moyens de les résoudre.
Il a souligné que cela pourrait signifier travailler avec des pays pairs pour faire avancer des intérêts communs qui ne correspondent pas à ceux du président américain Donald Trump — en utilisant, par exemple, le Conseil de l'Arctique pour lutter contre le changement climatique.
Donald Trump, qui a qualifié le changement climatique de canular, a récemment menacé d'imposer des tarifs préjudiciables au Canada et a affirmé qu'il voulait absorber le Canada et le Groenland.
Cela signifie que les élections canadiennes de cette année seront l'une des rares où la politique étrangère sera un sujet majeur.
«Nous allons assister à un changement et à une élection qui ne se décidera pas seulement sur la question de la suppression des impôts ou de la prestation pour enfants», a précisé M. Axworthy, citant des arguments courants des conservateurs et des libéraux. «Nous allons discuter d'une question sérieuse : où va le Canada dans ce monde.»
«C'est une bonne chose, mais cela signifie aussi que nous devons avoir des idées», a-t-il ajouté.
Des liens à renouer
Selon M. Axworthy, le Canada devrait renouer les liens solides qu'il avait autrefois avec les pays en développement, comme ceux du Commonwealth et de la Francophonie.
S'appuyer sur ces liens a aidé le Canada à organiser une conférence cruciale en 1996 qui a conduit à la Convention d'Ottawa, qui a interdit l'utilisation des mines antipersonnel tout en renforçant l'influence du Canada sur la scène mondiale.
«S'il y a une caractéristique du fait d'être Canadien, c'est que nous avons appris, par notre propre histoire, à nous adapter», a-t-il déclaré. «Nous savons comment faire fonctionner les choses.»
S'exprimant lors du panel de lundi, l'ancien premier ministre Joe Clark a mentionné que le Canada devrait s'inspirer d'initiatives passées, comme le Dialogue sur la sécurité coopérative dans le Pacifique Nord, un projet dirigé par Ottawa de 1990 à 1993 destiné à aider les pays à régler leurs besoins en matière de sécurité après la fin de la guerre froide.
«Nous devons examiner les domaines dans lesquels nous avons la capacité de réussir, les identifier délibérément et essayer de trouver les moyens de suivre les exemples» de réussite, a-t-il soutenu. «Nous avons la réputation et la capacité dans le monde de pouvoir mettre en œuvre des choses dont les autres peuvent parler.»
M. Clark estime que cela pourrait restaurer le statut du Canada dans des endroits comme l'Afrique, où Ottawa ne porte pas le même bagage colonial ou le même héritage de méfiance associé à des pays comme les États-Unis et la France.
Affaires mondiales Canada devrait s'engager auprès du public sur la diplomatie en relançant un groupe de réflexion qui a étudié l'efficacité de divers projets de politique étrangère et en créant un programme de stage pour donner à des centaines de jeunes Canadiens une expérience dans des missions diplomatiques à l'étranger, juge M. Axworthy.
Il a également déclaré que le Canada doit réformer son système électoral afin que le Parlement reflète mieux la population canadienne. D'après lui, la structure actuelle ne correspond pas à la défense de la démocratie à l'étranger par Ottawa.
M. Axworthy a aussi indiqué que les partis politiques «ne remplissent plus leur fonction de rassembler les gens et de discuter de choses importantes. Ils sont devenus une machine électorale».
Il a averti dans un récent livre que «la porte tournante des ministres» responsable de la politique étrangère mine la capacité d'Ottawa à nouer des alliances et à influencer sur la scène mondiale.
Dylan Robertson, La Presse Canadienne