Nous joindre
X
Rechercher
Publicité

De nombreuses réglementations font entrave au commerce interprovincial

durée 18h09
3 février 2025
La Presse Canadienne, 2024
durée

Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — La menace récurrente de l’administration Trump d’imposer des tarifs douaniers préjudiciables a renforcé une vieille idée pour stimuler la croissance économique au Canada: éliminer les barrières commerciales interprovinciales.

«Il existe des millions de façons différentes par lesquelles les règles, les règlements, les normes, etc. influent sur les décisions qui, au bout du compte, ont un impact considérable», a expliqué Trevor Tombe, professeur d’économie à l’Université de Calgary.

Voici un aperçu du fonctionnement des barrières commerciales interprovinciales et des raisons pour lesquelles des années d’efforts pour les éliminer ont largement échoué.

Qu’est-ce qu’une barrière commerciale interprovinciale ?

M. Tombe explique que ce terme s’applique principalement aux fardeaux réglementaires qui entravent les efforts visant à acheter, vendre ou faire des affaires d’une province à l’autre. Ils n’impliquent généralement pas de quotas ou de tarifs.

«Il faut simplement les considérer comme des différences dans les règles, les règlements, les normes et autres qui existent d’une province à l’autre, a-t-il résumé. Naviguer dans ces différentes règles ajoute des coûts et nuit donc au commerce intérieur.» Selon M. Tombe, les provinces comptent au total environ 600 organismes d’accréditation professionnelle qui réglementent les biens et services à l’intérieur de leurs frontières. Ces obstacles existent donc dans pratiquement tous les secteurs.

Les règles de santé et de sécurité qui varient selon les juridictions peuvent aussi constituer des obstacles au commerce interprovincial. Elles comprennent les réglementations provinciales qui exigent par exemple qu’un véhicule commercial soit inspecté une deuxième fois après avoir traversé la frontière entre la Colombie-Britannique et l’Alberta.

Elles peuvent également inclure des réglementations fédérales, comme celles qui exigent des inspections fédérales des produits agricoles lorsqu’ils traversent une frontière provinciale, même si le produit a été inspecté par la province au moment de sa production.

Les réglementations provinciales qui classent les produits à des fins fiscales (les réglementations qui déterminent les ingrédients qu’une boisson doit contenir pour être vendue comme «vodka», par exemple) rendent également plus difficile la vente de produits au-delà des frontières provinciales.

Mais, selon M. Tombe, le faible niveau du commerce d’alcool au-delà des frontières provinciales est moins lié aux réglementations qu’au fait que la plupart des gouvernements provinciaux achètent leurs propres marchandises pour les régies provinciales des alcools.

Les experts déplorent le faible niveau du commerce interprovincial au Canada depuis des décennies. M. Tombe a souligné que le problème avait été signalé dans le rapport de 1940 de la Commission royale sur les relations entre le Dominion et les provinces.

Pourquoi ces barrières existent-elles ?

M. Tombe a expliqué qu'elles sont en grande partie le produit de l'inertie politique.

«Les gouvernements provinciaux n'ont pas de motifs malveillants, a-t-il déclaré. C'est juste que, naturellement, lorsque vous établissez vos règles, vous en arriverez à des règles potentiellement légèrement différentes.»

Il a déclaré que les provinces ont de nombreuses priorités sur lesquelles se concentrer, comme les écoles et les hôpitaux, et qu'harmoniser les réglementations avec leurs voisins est «vraiment difficile».

Sean Speer, analyste des politiques publiques et chercheur principal à la Munk School of Global Affairs de l'Université de Toronto, a suggéré que les gouvernements devraient utiliser l'intelligence artificielle pour comparer les réglementations des provinces et trouver un moyen de les harmoniser.

«Un obstacle majeur à l'élimination des barrières commerciales interprovinciales est de les identifier», a-t-il écrit sur la plateforme X le mois dernier.

Quel est l'impact économique ?

Dans un rapport coécrit pour l'Institut Macdonald-Laurier en 2022, M. Tombe estimait que l'élimination des barrières interprovinciales pourrait augmenter le produit intérieur brut du Canada de 4,4% à 7,9% à long terme. Il soulignait que ce résultat nécessiterait l'élimination de toutes les barrières et ne serait probablement pas apparent avant plusieurs années.

Au moment de sa publication, le rapport indiquait que l'ouverture du commerce interprovincial pourrait augmenter la taille de l'économie nationale de 200 milliards $. M. Tombe a affirmé que cette augmentation de valeur atteindrait environ 245 milliards $ aujourd'hui.

M. Tombe a déclaré que les données de Statistique Canada sur les exportations et les importations par province suggèrent que seulement un tiers du commerce canadien en ce qui a trait au PIB est interprovincial, le reste se dirigeant vers d'autres pays.

Il a affirmé que cela illustre à quel point il est souvent plus facile pour les entreprises d'échanger des biens avec des pays étrangers qu'entre provinces.

Qu'a fait le gouvernement Trudeau pour résoudre ce problème ?

En 2017, Ottawa a réuni les provinces pour signer l’Accord de libre-échange canadien, qui a conduit à l’assouplissement ou à l’abrogation de certaines règles provinciales et fédérales pour les rendre plus uniformes.

Certains économistes ont critiqué l’accord pour avoir conservé des centaines d’exceptions aux règles destinées à garantir un commerce sans barrières.

«Malgré certains efforts partiels pour réduire les barrières dans le passé, les provinces ont été réticentes à prendre d’autres mesures», a écrit l’économiste de la Banque Scotia Jean-François Perrault dans une analyse de mars 2022.

M. Tombe a déclaré que le pacte de 2017 est «vraiment significatif» dans la mesure où il a créé un processus institutionnel permettant aux provinces d’identifier les irritants et d’harmoniser les réglementations. Mais le processus lui-même est lent, a-t-il spécifié.

Il a ajouté qu’Ottawa a un contrôle limité sur la manière dont les provinces réglementent dans leur juridiction.

Le gouvernement fédéral a convoqué des réunions et a lancé des enquêtes et des bases de données destinées à identifier les obstacles et les moyens de les éliminer.

Ottawa a également publié un code du bâtiment que les provinces peuvent choisir d’adopter pour harmoniser le secteur de la construction. Le gouvernement fédéral a également normalisé le suivi électronique des heures de travail des chauffeurs commerciaux et a regroupé 14 règlements sur la sécurité alimentaire en un seul ensemble de règles.

Que feraient les conservateurs ?

Le chef conservateur Pierre Poilievre a déclaré qu'il donnerait la priorité à la lutte contre une mosaïque de réglementations sur le camionnage, affirmant que cela devrait être le moyen le plus simple de faire circuler davantage de marchandises canadiennes à travers les frontières provinciales.

Il a également déclaré qu'il remettrait les recettes fiscales aux provinces qui aboliraient les réglementations empêchant le commerce interprovincial et utiliserait la taxe fédérale supplémentaire perçue sur l'augmentation du commerce qui en résulterait.

Cette idée découle de l'analyse de la Banque Scotia de 2022, qui a fait valoir qu'une telle mesure pourrait éventuellement générer 15 milliards $ de recettes fédérales.

M. Poilievre a également affirmé qu'il normaliserait les certifications du personnel médical, bien que les gouvernements précédents qui ont tenté de le faire aient fait face à la résistance des régulateurs et des syndicats.

Dylan Robertson, La Presse Canadienne