Nous joindre
X
Rechercher
Publicité

Chefferie du PLC: maîtriser le français est «essentiel», insistent des élus libéraux

durée 18h03
10 janvier 2025
La Presse Canadienne, 2024
durée

Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — Des libéraux ont insisté vendredi sur la nécessité, à leurs yeux, que leur prochain chef soit bilingue, opinion partagée autant par des francophones que des anglophones.

«Selon moi, il est essentiel pour le chef du Parti libéral de parler les deux langues officielles», a dit en entrevue Sean Fraser, ex-ministre et député néo-écossais.

Celui qui continue de suivre des cours de français a fait ce commentaire dans la langue de Molière, joint par téléphone alors qu'il se trouvait dans sa circonscription.

«Si un leader n'a pas l'habileté de comprendre la réalité pour les minorités linguistiques et les populations du Québec aussi, ce n'est pas possible d’être un bon premier ministre ou un bon chef du Parti libéral», a poursuivi M. Fraser, précisant qu'il n'a pas l'intention de revenir sur sa décision, annoncée en décembre, de renoncer à se représenter aux prochaines élections fédérales.

Le député manitobain Kevin Lamoureux a quant à lui souligné qu'il ne voterait pas pour un candidat unilingue et qu'il serait «très mal à l'aise» si sa formation politique «élit quelqu'un qui n'est pas bilingue».

Bien qu'il estime que les unilingues ne devraient pas systématiquement être disqualifiés de la course, il s'est rappelé en entrevue que, dans son cas, la question était déjà d'actualité quand il avait songé, il y a plusieurs années, à lui-même tenter sa chance d'être chef.

«La fois où j'ai été le plus proche de briguer le leadership (...), c'était quand il y avait des gens qui disaient que tu dois être bilingue pour être chef du Parti libéral du Canada», a-t-il dit en anglais.

L'un des potentiels candidats - puisqu'il n'a pas encore été officialisé -, le député Chandra Arya, a ravivé les appels à l'exigence de bilinguisme.

Le député de Nepean, dans la région d'Ottawa, a, peu après avoir annoncé ses intentions, minimisé jeudi le fait qu'il ne parle pas français.

Dans une entrevue accordée au diffuseur public, il a affirmé que la maîtrise de cette langue est un enjeu secondaire pour les Québécois, ceux-ci souhaitant, à son avis, bien plus que la personne soit en mesure de «livrer» la marchandise.

«Une question de respect»

Sans surprise, des élus du Québec se sont empressés, dans les heures suivantes, de durcir le message qu'ils avaient déjà véhiculé, plus tôt cette semaine: que le prochain chef n'a pas le choix de maîtriser les deux langues officielles du Canada.

«(Il) devra impérativement être bilingue. C’est une question de respect et de valeurs. C’est aussi essentiel pour maximiser nos chances de gagner les prochaines élections», a notamment lancé, sur le réseau social X, le lieutenant politique des libéraux pour le Québec, Jean-Yves Duclos.

Toujours sur X, le ministre Steven MacKinnon, qui songe à se porter candidat à la succession de M. Trudeau, a pour sa part noté qu'il est «crucial» que le chef libéral soit bilingue.

«Le bilinguisme signifie apprécier le fait français au Canada, apprécier le Québec dans son ensemble et toutes les communautés du pays, qu'elles soient francophones ou anglophones», a-t-il mentionné.

«Incontournable, non négociable»

D'ex-stratèges libéraux joints au téléphone, tant anglophone que francophone, sont eux aussi allés dans la même veine.

Sandra Aubé, une ancienne cheffe de cabinet de la ministre Mélanie Joly qui travaille désormais pour le cabinet TACT, a expliqué que la maîtrise du français est «incontournable», «non négociable» et que cela fait partie de «l'ADN même du parti».

«S'il y avait un leader qui ne parlait pas ou pratiquement pas le français dans une prochaine campagne électorale, il serait assuré de faire face à des défis majeurs au Québec, minimalement. Et donc, ça affecterait le résultat des libéraux dans l’ensemble», a-t-elle déclaré en entrevue.

En annonçant vendredi qu'elle ne serait pas de la course, la ministre Joly a affirmé au passage qu'«en tant que Québécoise et francophone», cela lui semble «évident» que le prochain chef doit être en mesure de parler le français et l'anglais.

Même son de cloche chez l’ex-stratège libéral Greg MacEachern, aujourd’hui président de sa propre firme de lobbying KAN Strategies. «Peu importe qui sera le chef, il devrait être bilingue, point final», a-t-il tranché.

Il reste à voir quel candidat issu du Québec sera, au final, sur la ligne de départ. Le ministre de l'Innovation, François-Philippe Champagne, est toujours en réflexion.

M. MacEachern a rappelé la tradition historique d'alternance entre des chefs libéraux issus du Québec et du reste du Canada.

«Je pense que le point clé est que la province du Québec est vraiment importante pour le Parti libéral, pour les chances du Parti libéral en ce moment», a-t-il conclu.

Pour François Rocher, professeur émérite de sciences politiques à l'Université d'Ottawa, l'argument du député Arya voulant que les francophones cherchent d'abord un gouvernement efficace et responsable est «fallacieux et asymétrique».

«Imaginez un candidat francophone unilingue qui évoquerait le même argument, a-t-il illustré. Il serait tourné en dérision tout de suite dans le reste du Canada, y compris par les candidats unilingues anglais qui ne comprendraient pas pourquoi, en vertu des principes, on ne serait pas en mesure de rejoindre 75 % de la population canadienne.»

M. Rocher a expliqué que cela n'aurait aucun sens et que cet argument vaut aussi pour des candidats qui veulent représenter l'ensemble des Canadiens à l'échelle nationale.

Émilie Bergeron et Michel Saba, La Presse Canadienne